Omaha danseuse féline T1 (Kate Worley & Reed Waller) – Tabou

Assurément, Omaha the Cat dancer est l’un de ces petits chef-d’œuvre injustement délaissés par les lecteurs. Le personnage d’Omaha, cette strip-teaseuse crée en 1981 par Reed Waller pour la revue Vootie avant d’être repris dans le magazine Bizarre Sex de Denis Kitchen, aurait très bien pu ne rester qu’une anecdotique bande animalière réservée aux adultes, mais l’arrivée de la scénariste Kate Worley, alors compagne du dessinateur, en a décidé autrement. Mêlant avec brio les ingrédients d’un feuilleton à rebondissement, à mi-chemin entre la série policière et le soap opera, combinant des préoccupations adultes à une inventive utilisation des codes de la bande dessinée animalière, elle a su donner une véritable profondeur à ses personnages tout en livrant une critique acerbe des conservatismes de tous poils.
Évidemment, la série est à réserver aux adultes ; les scènes d’amour ne manquent pas et tout cela se passe avec entrain, mais, contrairement à bien d’autres œuvres du même registre, chacune de ces représentations sexuelles est parfaitement et logiquement intégrée au scénario. Que le lecteur avide d’histoires rocambolesques (j’aurais pu écrire « sans queue ni tête »), uniquement destinées à introduire des scènes de sexe, passe son chemin. Ici tout est crédible [1], centré sur les aventures sentimentales, et donc sexuelles, d’Omaha.
La série elle-même n’est pas inconnue des lecteurs francophones. Deux courts épisodes furent publiés dans la revue USA Magazine de années 90, et les éditions Glénat sortirent en 1992 et 1993 quatre albums grand format de la délicieuse féline dans leur bien nommée collection Frou-Frou. Il existe également un album aux dimensions plus petites publié par les éphémères éditions du Balcon en 2001, mais un tragique accident de voiture avait mis fin à la relation entre Reed Waller et Kate Worley, poussant peu à peu Omaha dans l’oubli.
Réconciliés en 2002, alors même que Kate Worley se savait atteinte par un cancer, elle repris Omaha qui ainsi retrouvait le chemin des librairies, tout d’abord dans la revue érotique Sizzle de l’éditeur NBM Publishing, puis sous la forme d’intégrales. Ce sont ces intégrales, dont l’ordre suit la chronologie de l’histoire même si les épisodes en questions furent parfois publiés dans le désordre, que les éditions Tabou ont eu la bonne idée de traduire en Français. Prévu en quatre volumes définitifs au format « bibliothèque » (17 x 24 cm) de 256 pages pour le prix abordable de 19 euros, ce nouveau retour de l’une des plus remarquables séries anthropomorphiques en nos contrées est vraiment une excellent nouvelle !
[1] Le spécialiste Jean-Paul Jennequin faisait d’ailleurs remarquer dans un article de la revue Scarce que cette bande était l’une des seules du registre érotiques où les organes sexuels ne possédaient pas de dimensions démesurées.