Chronique Léviathan T1 & 2 (Luc Brunschwig, Aurélien Ducoudray et Florent Bossard) - Casterman

Chronique Léviathan T1 & 2 (Luc Brunschwig, Aurélien Ducoudray et Florent Bossard) - Casterman

0/5 0 vote

Les scénarios-catastrophes sont légion dans le cinéma, tant le public de ce média est friand de ce genre. Cependant peu de scénaristes de bande dessinée s’essayent à cette catégorie au sein du neuvième art. C’est pourtant ce qu’ont choisi de faire trois auteurs avec leurs séries, Léviathan. Un récit transposant les codes du genre dans un environnement familier, loin des standards hollywoodien. C’est Florent Bossard qui met en images et en couleurs cette fantastique histoire. Ce coloriste plein de talent ayant collaboré sur des séries prestigieuses comme [Bouncerserie1168], signe ici sa deuxième série en tant que dessinateur. Le scénario est assuré par un duo scénaristique ayant déjà réalisé ensemble la nouvelle mouture de Bob Morane. Luc Brunschwig et Aurélien Ducoudray ont su brillamment associer l’anticipation et le fantastique dans ce récit loin des intrigues habituelles de la bande dessinée.

L’histoire en deux mots :
Dans la cité phocéenne, un père et son fils arrivent en provenance d’Algérie en espérant trouver une vie meilleure. Le garçonnet s’en va jouer dans la rue et, après une légère altercation avec des gamins du quartier, sent le sol trembler et voit ce dernier se déchirer sous ses pieds. Le garçon est en réalité un homme qui revivait à travers un cauchemar son arrivée en France. Cependant, son rêve n’est rien d’autre que l’écho de la réalité, un tremblement de terre sans précédents s’abat sur la ville en piégeant les gens dans les souterrains ou dans leurs immeubles. À cela s’ajoute un raz-de-marée qui va se révéler être aussi meurtrier que l’événement sismique.
Le jour d’après, il faut trouver les survivants, établir une liste des disparus, loger les milliers de gens sans abris et comprendre les obscures raisons de cette catastrophe. Dans ce chaos, un policier va s’efforcer d’éclaircir les zones d’ombre de cette affaire tout en cherchant à aider les personnes en recherche d’un proche. Son enquête va le confronter à la volonté de masquer l’affaire de certains et a croiser des individualités surprenantes.

Extrait 1 Léviathan T1 & 2 (Luc Brunschwig, Aurélien Ducoudray et Florent Bossard) - Casterman

Le dessin :
malgré le peu d’albums à son actif en tant que dessinateur, Florian Bossard livre un album très maîtrisé dans beaucoup de domaines. Il a su tout d’abord mettre son trait au service du scénario en retranscrivant parfaitement la tension du récit à travers ses planches. Il a ensuite apporté un soin particulier à reproduire avec authenticité la cité phocéenne, permettant ainsi au lecteur de s’immerger davantage dans ce scénario-catastrophe. En effet, à travers cette série, l’artiste met en scène des lieux bien connus en les adaptant à cette situation extraordinaire, comme le stade vélodrome qui devient un camp de réfugiés.
Le dessinateur utilise savamment son découpage pour insister sur le côté apocalyptique de certains passages, avec de grandes cases montrant l’étendue des dégâts ou d’autres planches plus denses s’attardant sur les personnages et leurs actions. Ce procédé permet au lecteur de se mettre à la place des protagonistes et d’accentuer l’atmosphère anxiogène de l’histoire.
La vraie réussite de Florian Bossard réside dans la juste retranscription des émotions des protagonistes. En effet, il parvient parfaitement à rendre palpable la détresse et la peur que peuvent ressentir les personnages dans ce Marseille de cauchemar.
La grande expérience du dessinateur comme coloriste est un véritable plus pour le tome car il offre une mise en couleur irréprochable en adéquation avec l’ambiance de l’album. Avec Leviathan, Florian Bossard confirme son talent, autant de dessinateurs que de coloriste, en livrant un album aboutit.

Extrait 2 Léviathan T1 & 2 (Luc Brunschwig, Aurélien Ducoudray et Florent Bossard) - Casterman

le scénario :
La grande force de cette série provient de son histoire dense, écrite à quatre mains. Cette méthode qui peut paraître déroutante est sans nul doute à l’origine de la richesse d’une histoire hors normes. Les auteurs ont construit un récit qui ne cesse de s’enrichir de page en page, plongeant le lecteur dans une histoire incroyablement immersive.
En choisissant d’aborder un thème peu répandu dans nos contrées, les deux scénaristes proposent un scénario innovant s’approchant des standards cinématographiques, tout en apportant une consistance dans le récit et dans le développement des personnages.
La véritable force de Leviathan réside dans ce scénario qui démarre simplement mais qui n’oublie aucun aspect de la catastrophe, que ce soit dans la recherche des survivants, la gestion des orphelins, ou encore le comportement des survivants coincés dans les décombres.
Chacun des éléments qui parsèment l’intrigue implique un peu plus le lecteur, comme l’immense panneau des disparus qui accentue le côté dramatique de l’histoire. Pourtant, les auteurs ne sont pas tombés dans la sensiblerie pour autant ; ils ont savamment joué entre émotion et tension. Un autre atout de ce récit est l’enquête policière qui gravite autour de la catastrophe en embarquant le lecteur dans un autre aspect du récit, ce qui apporte une densité supplémentaire à celui-ci en introduisant des éléments de fantastique.
Mais le point où les deux auteurs ont excellé est sans nul doute la construction des personnages et leurs évolutions dans cette apocalypse. Ils ont su créer tout un panel de personnages charismatiques, que ce soit avec le policier avide de vérité, les survivants des décombres qui révèlent leurs côtés les plus sombres afin de survivre ou encore l’employé des pompes funèbres et son étrange famille. Chacun des protagonistes est doté d’une profondeur incroyable et suscite l’intérêt immédiat du lecteur.
Léviathan est une série au scénario intelligent, dotée d’une construction narrative unique associant des personnages doués d’une dimension fabuleuse.

Leviathan est une belle curiosité, cette série saura ravir autant les amoureux d’anticipation que les admirateurs de récit bien construit, le tout illustré brillamment par un dessinateur talentueux.

Publié le mardi 9 janvier 2018 par Vivien Arzul. Mis à jour le 9 janvier 2018 à 11h44.
Commentaires
Les commentaires anonymes sont autorisés.
Chaque commentaire est vérifié par la rédaction avant d'être publié.
Dans la même rubrique
Daricy : "Les idées de scénarios sont elles bien souvent nées au travail"
Daricy : "Les idées de scénarios sont elles bien souvent nées au travail"
Daricy, de son vrai nom Éric Sauve, n’est pas un auteur de bande dessinée comme les autres. Il possède la double casquette d’auteur donc, mais aussi de policier. Une expérience bien utile pour (...)
Tex Willer a 54 ans
Tex Willer a 54 ans
Eh oui, Tex Willer a bien 54 ans. C’est vieux me direz-vous pour un cow-boy toujours en activité ! Gian Luigi Bonelli Ah ! peut-être, mais pas lui, il n’a pas pris une ride (...)
9 planches pour Corpus Christi T1 : Le Secret des Papes (François Maingoval et Éric Albert) - Sandawe
9 planches pour Corpus Christi T1 : Le Secret des Papes (François Maingoval et Éric Albert) - Sandawe
Thomas Bellec découvre le corps momifié du Christ à Pétra (Jordanie). Une plaquette en araméen semble authentifier ce corps. Mais la preuve finale se trouve depuis 2.000 ans dans un coffre du (...)
Le Combat Ordinaire - Chronique du film
Le Combat Ordinaire - Chronique du film
Le combat ordinaire nous présente des tranches de la vie de Marco, jeune homme d’une trentaine d’année, photographe de profession, souffrant de crises d’angoisse épisodiques et d’un certain mal (...)
A lire également