
Katia Even : "C’est à nous, auteurs érotiques, de savoir placer les limites"
Déjà scénariste et dessinatrice, Katia Even ajoute une nouvelle corde à son arc avec le rôle de rédactrice en chef de la revue Blandice, dont vous pouvez lire tout le bien qu’on en pense. Nous sommes allés à sa rencontre pour en savoir plus.

D’où vient l’idée de cette revue ? Etes-vous la seule personne à l’origine de ce projet ?
Katia Even : Thierry Play est éditeur aux éditions Tabou. Nous avions communément envie de plonger dans le monde de la presse depuis des années. D’éditeur à auteur, nous sommes donc passés associés pour créer une nouvelle structure. Le point commun avec Tabou (qui a été notre partenaire pour le numéro 1), c’est la sensualité. Le point commun entre Thierry et moi, c’est l’amour de l’Art. Il nous a donc semblé logique de lier sensualité et histoire de l’Art pour ouvrir un peu la BD érotique au monde culturel.
Les partenaires n’ont-ils pas été difficiles à trouver ?
Katia Even : Les partenaires ont d’abord été les auteurs des éditions Tabou, car on a une sorte de contrat de confiance avec eux. Pour les autres intervenants dans le magazine, ce sont des auteurs que je connais personnellement et qui ont bien voulu tenter l’aventure. Le côté affectif joue beaucoup.
Pourquoi avoir choisi le nom de Blandice pour la revue ?
Katia Even : Dans un premier temps nous voulions un prénom à consonance féminine et il est à savoir que Blandice signifie « petite gâterie » en vieux français, avec cela nous avions la grivoiserie et la consonance que nous recherchions.
La bande dessiné érotique accompagne votre parcours. Cette revue en est-elle une suite logique ?
Katia Even : Tout à fait. Comme la plupart des gens, j’aime l’érotisme. Mais je déplore le porno et surtout la culture du viol. J’ai besoin de sentir qu’il y a une histoire derrière, et surtout qu’on peut lier l’érotisme à la culture. Ce n’est pas parce qu’on parle de sexe qu’on est lobotomisé du cerveau ! Donc mettre un peu de valeurs culturelles dans un magazine érotique était très important pour moi, et pour Thierry.
Votre revue peut se vanter d’avoir un contenu particulièrement riche avec des articles sur l’Art ou encore des focus sur des auteurs. Est-ce une volonté de ne pas seulement faire une revue sur la bd coquine ou de pouvoir toucher un public plus large ?
Katia Even : La volonté est surtout de parler à des gens qui n’aiment ni le porno trash ni l’histoire de l’Art en grande pompe. Des gens comme vous et moi, qui aiment la sensualité et la culture, sans se prendre la tête, tout en apprenant des choses intéressantes sur l’Art.

Pensez-vous que la démocratisation de l’érotisme dans notre société (enseigne de magasin, émission tv, certains youtuber) permet la publication de Blandice ?
Katia Even : Non, je pense que la marchandisation des corps, qui n’est pas une bonne chose, permet de ne pas être choqué par Blandice. Cependant, je vais tout faire dans ce magazine pour remettre la sexualité dans la logique de la nature humaine (ça fait partie de nous, et c’est normal) tout en apportant des pistes de réflexions sur le combat de la culture du viol qui ELLE est une mauvaise chose. C’est elle qu’on prend pour de la démocratisation alors qu’elle ne fait qu’avilir le consentement. C’est à nous, auteurs érotiques, de savoir placer les limites. Un exemple tout bête : pourquoi le téton est-il censurable ? Il a une fonction purement nourricière. C’est la vision des hommes sur ce petit bout de sein (qu’ils ont aussi, on notera...) qui le rend désirable. Ce n’est pas un organe sexuel, mais un organe maternel. Il n’a donc rien de plus censurable qu’une tétine de biberon. Voilà où est le souci.
On vous retrouve partout dans la revue, ou presque. N’est-ce pas difficile de tout conjuguer ?
Katia Even : Pour le numéro 1, ne sachant pas comment le magazine fonctionnerait en kiosque, j’ai fait pas mal d’articles pour éviter d’embarquer trop de monde dans ma galère. Vu les premières retombées commerciales et les critiques positives qu’on a eues, je pense que dès le numéro 2 (sur le Romantisme, et Jim [1]), nous aurons beaucoup plus de rédacteurs.
Hormis Blandice, quels sont vos projets ?
Katia Even : Vaste sujet ! Voici donc la liste.
Au dessin :
- Nos Abeilles (éditée par une association d’apiculteurs)
- Relous vers le futur (édité par les éditions du Chat)
- Le Plastique c’est Fantastique (éditions Graph Zeppelin) : une BD qui adapte les chansons d’Elmer Food Beat ! Mais chut, c’est encore secret :)
Au scénario :
- Narcisse (ed. Tabou)
- Inguinis (ed. Tabou)
- Le peuple des Brumes (ed. Tabou)
- La déesse (tome 3) (ed. Tabou)
J’ai aussi des projets avec d’autres scénaristes, ou d’autres dessinateurs, pour d’autres éditeurs :) Vous saurez en temps voulu.
Pensez-vous introduire de nouvelles rubriques dans votre revue ?
Katia Even : Nous sommes ouverts à toute proposition auxquelles on n’a pas forcément pensé.
Les dessous de l’histoire présents dans la revue feront-ils l’objet d’un album ?
Katia Even : Je l’espère. Les éditions Tabou veulent se servir du magazine pour tester le public. Mais moi, j’y crois.
Si le succès de la revue est au rendez-vous, le rythme de parution sera-t-il plus rapide ?
Katia Even : Pour la première année, nous sommes un trimestriel qui offrira deux hors-série, soit cinq magazine dans l’année. Si le succès est au rendez-vous, on passera en bimestriel en effet.
[1] auteur de

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