Interview Sandro Masin (Ectis)

Interview Sandro Masin (Ectis)

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bandedessinee.info : Bonjour Sandro. Pouvez-vous décrire votre cursus (études, premiers travaux) ?

Sandro vu par lui-même

Sandro Masin : J’ai longuement hésité sur ce que je voulais faire, prof de sport ou dessinateur... J’ai toujours été passionné par la BD et après avoir décoré les marges de mes cahiers de cours jusqu’en seconde, j’ai passé un brevet de technicien dessinateur maquettiste au lycée Auguste Renoir à Paris. J’ai ensuite passé le concours d’entrée aux Gobelins à Paris pour faire du dessin animé. J’ai réussi l’épreuve dessinée, mais ensuite il faut présenter un dossier et bon, le logo et la mise en page c’est pas trop en rapport avec le dessin animé alors pas de Gobelins...

J’ai donc cherché du boulot dans des agences de pub comme graphiste (puisque c’est ma formation) et là, comme la plupart de ceux qui sortent de l’école toujours la même réponse : "c’est bien mais vous n’avez pas d’expérience..." C’est finalement une petite agence de com par la BD (trans BD) qui m’a donné ma chance. J’ai commencé comme stagiaire puis après deux mois Jean-Michel Aupy et Jean Rouet (les Boss) m’ont proposé de me m’inscrire à la maison des artistes pour devenir freelance. C’est ce que j’ai fait et c’est là que l’aventure à commencé.

Pendant 10 ans, j’ai fait de l’illustration (et j’en fais toujours) pour de l’édition et de la pub et même des album BD pour de la pub avec l’agence BD Strata. Pendant toute ces années, j’ai collaboré avec des potes pour monter des projets d’album mais ça n’a jamais abouti. Cela dit ça m’a permis de rencontrer des gens comme jean-Claude Camano (Glénat), François Capuron (Delcourt), Laurent Duvault (Dupuis), Philippe Ostermann (Dargaud), Hélizabeth Haroche (Albin Michel), Mourad Boudgellal (Soleil). Ça a été difficile parfois, mais il faut savoir mettre son orgueil de côté et accepter les critiques pour mieux progresser et repartir.

bandedessinee.info : Comment cet album s’est-il concrétisé ?

Couverture du tome 1 de la série ectis

Sandro Masin : C’est en rentrant de vacances que j’ai trouvé un dossier avec deux scenarii et un petit mots de Nicolas Pona (le scénariste d’Ectis) dans mon courrier, où il me proposait de collaborer avec lui à un de ces deux projets. Il a appris le "métier" auprès de Thierry Cailleteau et Fred Duval à Rouen où il vit. Il avait eu un dossier que j’avais envoyé à un dessinateur de BD et directeur de collection qui est aussi du côté de Rouen qui avait fini à la poubelle. Un pote à lui l’avait trouvé et donné à une soirée un peu arrosée si bien que lui même ne sait plus trop comment il l’a eu.

J’ai lu les deux histoires. La première avec des sacrifices humains, du sang servant à écrire sur les murs c’était pas trop mon trip. La seconde, un polar fantastique dans un monde cyberpunk à la Blade Runner m’a plu de suite bien que plus classique. Il avait déjà des contacts avec Vent d’Ouest et un autre petit éditeur dont je tairai le nom parce qu’il n’en vaut pas la peine (aujourd’hui il n’existe plus d’ailleurs). On a commencé le dossier par quelques planches. Une fois les première planches faites, on est allé voir ce petit éditeur (soit disant intéressé par Ectis) qui, en voyant d’autres planches de projets précédents a attendu que Nicolas aille aux toilettes pour me proposer de signer l’autre projet et laisser Ectis. On est sorti et jamais retourné le voir. Vent d’ouest n’accrochait pas au niveau de l’histoire... On a donc tout recommencé, remonté un dossier et envoyé partout et vu tous les gens sités plus haut et là tous nous ont dit à peu près la même chose : "pas mal, mais pas encore au niveau et on sent encore trop les influences... ".

On a recommencé encore une fois et re-belote... Bien qu’ils aient constaté la progression, il manquait toujours quelque chose... Et puis le téléphone sonne... D’abord Yves Chelet des éditions Nucléa tout de suite intéressé et puis Dargaud qui voulait lancer une nouvelle collection SF avec de jeunes auteurs et les Editions du masque. On est donc allé les voir. Yves Chelet (Nucléa) voulait nous signer de suite. On lui a dit qu’on avait encore d’autres personnes intéressées à voir avant d’accepter. Aux Editions du masque on a eu une drôle de sensation et on a pas donné suite. Puis, chez Dargaud ils ont été intéressés mais il fallait retravailler les planches (une fois de plus). C’est ce qu’on a fait mais quand on les a représentés quelques temps plus tard, il y avait encore quelques soucis au niveau du dessin et de l’histoire et d’après eux, on risquait d’être le canard boiteux de la collection jeunes auteurs SF à côté d’autres qui avaient Froideval (Chronique de la Lune noire) au scénar... Un coup dansl’eau...

On est retourné chez Nucléa voir Yves Chelet toujours intéressé mais qui, de bonne guerre, nous a fait un peu attendre et mijoter comme nous l’avons fait attendre pensant signer chez Dargaud. Un jour enfin, après avoir fait et refait les planches et des dossiers on a signé chez Nucléa pour arriver à ce premier album d’Ectis.

bandedessinee.info : Comment décririez-vous l’album qui va paraître ?

Sandro Masin : C’est un Polar plein de rebondissement dans un Paris en 2050 où tout ce qui existe est multiplié par 1000. L’air pollué y est irrespirable, la violence est partout (désolé M. Sarkozy...), à chaque coin de rue vous risquez de vous faire agresser par un trafiquant d’organes qui va vous piquer vos yeux ou un rein... Bref l’espérance de vie est un peu limitée dans cet univers où se côtoient la cybernétique et l’odeur de la poudre des flingues qui s’expriment plus vite que la parole. Nous avons fait de notre mieux pour que le lecteur prenne du plaisir à le lire.

C’est un premier album... Il y aura donc des erreurs comme tout premier album... Mais je me dis que le second sera meilleur et ainsi de suite... J’aime bien regarder la progression de mes auteurs préférés. Je reprends leur premier album et le compare au dernier. Du coup je me dis que moi aussi je devrait progresser. De toute façon, le dessin c’est comme la musique, c’est en pratiquant qu’on progresse donc on verra mes prochains albums...

Avant d’être auteur j’ai été lecteur et fan aussi et j’ai vu le prix des albums augmenter, j’ai essayé de faire au mieux pour que le lecteur prenne plaisir à lire l’album et se dise qu’il en a eu pour son argent, et qu’il y a presque un an et demi de travail (soirs et week-ends) pour en arriver là. Il n’a pas l’ambition de révolutionner la BD, ce n’est pas notre but.

bandedessinee.info : Comment organisez-vous votre travail à deux ? Y a-t-il un répartition précise, comme dans le cas d’un duo scénariste/dessinateur, ou est-ce plus flou ?

Sandro Masin : On bosse à trois. Comme je travaille "encore" à plein temps pour une boite de multimédia (e-learning), on collabore avec un pote (Pask) qui s’occupe de la couleur que je n’ai pas le temps de faire. Il s’en occupe très bien (à notre goût) et puis il a déjà bossé sur plusieurs albums : Balder T.1 et T.2 (à paraître) chez Zenda, Atlantis T. 2, 3, 4 chez Glénat.

Au niveau de l’organisation, Nicolas m’envoie le scénario sous forme de découpage planches et cases et je propose un storyboard. En fait, je suis très libre. Si je trouve qu’un plan conviendrai mieux à ce qu’il propose, on en discute au téléphone, on se met d’accord et ça marche dans les deux sens si il trouve que sur le story il faut changer quelque chose. L’important c’est une bonne communication et avoir le même but faire un bel album. Le courant passe bien et j’en suis content nos échanges sont fructueux et vont dans le bon sens.

Une fois le storyboard OK, j’attaque les planches et puis ensuite c’est internet et les mails qui font le reste. Si tout est bon ça va, mais parfois il mets le doigt sur des bourdes que je fini par ne plus voir. A force d’être tellement dans la page je fini parfois par ne plus avoir assez de recul pour voir mes erreurs. Les planches sont ensuite scannées et données à Pask qui les met en couleur. Là aussi, il y a une grande collaboration, il nous demande si il y a des couleurs particulières sur les personnages ou les ambiances pour les différentes scènes et décors (si c’est de nuit, de jour....). Une fois la planche mise en couleur il nous l’envoie par mail et on lui indique les rectifs à faire... Puis, une fois validée entre nous, elle part chez l’éditeur. 46 pages, la couv et la double page de garde plus tard, l’abum devrait sortir en septembre.

bandedessinee.info : Quels sont vos projets ?

Sandro Masin : Pour le moment, Ectis 2 est en préparation. L’éditeur à quelque peu changé d’avis depuis notre signature. On était parti pour une trilogie, mais aujourd’hui il souhaite attendre deux mois après parution pour signer le tome 2. Jusqu’ici pas de problème d’après eux pour les séries en cours et déjà parues alors on est confiant. De notre côté, on prend les devants et on préfère commencer le T.2 maintenant, sinon, le temps d’attendre le feu vert et de réaliser l’album, il va y en avoir du temps avant la sortie du Tome 2...

En ce moment, je suis contacté par d’autres éditeurs (Paquet et Bamboo) et ça, ça fait plaisir. Les éditions Paquet sont très intéressées par mes Pinups sur mon site perso et souhaiterai peut-être monter un projet avec elle. Ils ont une histoire à me proposer. Reste à savoir si elle me plaira et si je pourrai mener de front deux albums... Je risque de me retrouver au chômage d’ici peu, peut-être que j’aurai du temps pour y travailler. Maintenant est-ce que je pourrai en vivre ? c’est la grande question ? On verra, je réalise déjà un rêve de gosse avec ce premier album, la suite je ne la connais pas encore... C’est sûr que je souhaiterai ne faire que de la BD mais il faut que le public soit au rendez-vous et vu le nombre de sorties d’albums... Mes projets en tout cas concernent la BD et mon objectif à terme est d’en vivre mais il va me falloir encore bien du travail et de la patience.

bandedessinee.info : Lisez-vous d’autres bandes dessinées ? Si oui, lesquelles ?

Sandro Masin : Je suis aussi lecteur, même si ces derniers temps pour des raisons économiques, j’ai peu acheté d’albums. C’est tout ces albums que j’ai lus qui m’ont donné envie d’en faire... Ils m’ont fait rêver, voyager et j’ai voulu aussi apporter tout ça au lecteur. Il y a une longue liste d’albums que j’apprécie. Mes préférés du moment sont les deux tomes de Blacksad (Diaz et Guarnido). Maintenant dans la longue liste, il y a aussi les albums d’Olivier Vatine, ceux d’Alberto Varanda, de Marini (surtout le Scorpion), Loisel (Peter pan), Malfin (Golden City), barbucci et Canepa (Sky-Doll), Alice et Dorison (Le Troisième Testament), Lepage et Sirban (Terre sans Mal), Lamy (pour Adios Palomita et 500 Fusils), Maëster (pour tout ses albums), Frezzato (les gardiens du mazer) et la liste est encore longue.

interview réalisée par email le 18 juillet 2003

Publié le mercredi 13 août 2003 par Thomas Clément. Mis à jour le 13 août 2003 à 18h06.
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Ectis - Fantasia Décalée Sandro Masin
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