Rockabilly Zombie Superstar T1 (Nikopek & Lou) – Ankama

Publié le dimanche 6 décembre 2009 par Lionel Dekanel. Mis à jour le 6 décembre 2009 à 21h46.

Il y a vraiment quelque chose de pourri au royaume d’Elvis. Déjà que, depuis la mort du King, une palanquée de sosies plus ou moins (souvent plutôt moins que plus d’ailleurs) ressemblants a pris la relève pour tenter de capitaliser sur une parcelle du succès du Kid de Tupelo. Billy Rockerson est l’un de ceux-là, qui écume tout ce que le sud compte de bars miteux, de juke-joints glauques, de saloons à peine sortis d’un western crépusculaire. Tous les samedis soirs, Billy Rockerson anime ainsi le Bubba Snack, perdu au milieu des sapins et des grands espaces, mais surtout au milieu de nulle part.

Sauf que ce samedi soir, justement, le destin de Billy bascule en un clin d’œil. C’est au milieu de sa reprise de « Hound dog » qu’une armée de zombies attaque le Bubba Snack. Ils auraient pu se diriger ailleurs, mais non, c’est ici qu’ils ont choisi de venir se sustenter. Le premier moment de surprise passé, les premiers clients déchiquetés, Billy Rockerson comprend vite que son salut ne réside que dans la fuite. Par la porte de derrière, évidemment. Mais les zombies ne sont pas non plus complètement idiots, contrairement à l’idée reçue, et si la plupart d’entre eux sont entrés dans le Bubba Snack comme le commun des mortels, si je puis m’exprimer ainsi, c’est-à-dire par la porte principale, certains, futés, ont attendu patiemment à l’arrière du bouge pour cueillir tout ce qui en sortirait. Et ce qui en sort c’est donc l’ami Billy. Qui n’est quand même pas totalement dépourvu de ressources, et qui parvient à slalomer entre tous ces affamés… D’accord, il y en a bien un qui parvient à lui arracher quelques grammes de chair du bras droit, mais bon, ça porte pas trop à conséquence… Non ?

Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, c’est au moment où il pense être complètement foutu, perdu au milieu de ce bazar ambiant, que lui apparaît Dieu lui-même… Enfin, pas tout à fait Dieu, mais pas loin, puisque c’est Elvis qui est chargé d’annoncer à Billy que sa nouvelle condition l’amène à prendre en charge de nouvelles responsabilités. Bon, Elvis est un peu obscur dans ses directives, sûrement les séquelles de médicaments qu’il a ingurgités dans une autre vie, mais ça ne fait rien, il fait quand même deux cadeaux à Billy Rockerson, une Dodge Challenger aux couleurs étoilées du drapeau américain, et une pelle… A charge pour Billy de s’en servir à bon escient… Bon, vu comme ça…

Premier job de Billy, maintenant qu’il bénéficie de l’impunité elvisienne, s’en aller faire payer à son ex, Peggy Sue (tiens, une infidélité à Elvis, et un hommage à Buddy Holly, de toute façon, on reste dans le Sud), le fait qu’elle l’ait largué. Et on peut supposer que le divorce ne s’est pas fait à l’amiable quand on voit le traitement que fait subir Billy à l’ex madame Rockerson. Serait-elle partie avec sa collection d’originaux Sun Records ? Ca se pourrait.

En chemin, Billy va rencontrer son lot de zombies en goguette, de rednecks trop heureux de l’aubaine (pouvoir tirer du zombie comme on tire du lapin ou de l’ours, à satiété), de shériffs peu scrupuleux, ou de gardes nationaux investis d’une mission gouvernementale sécuritaire. Et puis il va aussi rencontrer Rosita Maria Sanchez, serveuse au Willy’s Drive In, et maquée au « Brac », une vieille connaissance de Billy, brute épaisse et pas finaude qui ne connaît guère qu’un moyen de dialoguer, avec ses poings. Au grand dam de Rosita qui, après le revers de trop, décide de reprendre la route… C’est là que la retrouvera Billy, le visage tuméfié, sous la pluie, et qu’il décidera de la ramener chez lui en attendant des jours meilleurs.

Des jours meilleurs qu’on devine assez lointains, surtout que l’album se clôt sur un « A suivre » prometteur, au moment où Billy se retrouve avec un flingue sur la tempe après la découverte du cadavre de Peggy Sue dans le coffre de la Dodge Challenger par un officier de la Garde Nationale qui passait par là. Ah !

On se laisse emporter dans cette histoire complètement allumée et surréaliste. Pour rester fidèle aux codes du genre, on ne sait pas d’où viennent les zombies qui parcourent ces USA sous l’emprise d’une paranoïa réactionnaire, et on se délecte donc les pérégrinations de ce héros décalé et hors-norme… D’autant que le dit héros est lui-même un zombie, mais qu’il ne semble pas vouloir suivre la voie toute tracée de sa condition. Billy a conservé son intelligence, sa vivacité et son esprit d’initiative (merci Elvis), ce qui en fait, évidemment, un être à part, sans véritable morale, mais avec un code de l’honneur qui lui est propre. Mais du zombie il possède quand même quelques caractéristiques essentielles, comme une force accrue, et, surtout, une certaine propension à ne pas mourir aussi facilement que l’humain de base. Même si une balle dans la tête ou un feu bien conséquent pourraient, évidemment, lui être fatals. D’un autre côté Billy fait preuve d’une naïveté désarmante, comme dans la scène où il est arrêté par la police de la route pour excès de vitesse, et où il réagit comme le commun des contrevenants quand il se voit remettre son PV, non sans que le shériff lui ait quand même demandé un autographe, le prenant pour le vrai Elvis (ne riez pas, pas mal d’américains sont aujourd’hui encore persuadés qu’Elvis est toujours vivant).

Il est à noter que cette BD est due à deux auteurs français qui s’en donnent à cœur joie dans le dégommage en règle de certains des travers les plus agaçants d’une Amérique parfois sérieusement atteinte d’une espèce de folie schizophrène qui laisse pantois. Lou et Nikopek découpent leur histoire comme un film de Tarantino (on pense bien sûr au doublé « Grindhouse »), en séquences bien distinctes, n’oubliant pas, au passage, d’émailler leur histoire de fausses pubs.

L’album est complété par treize dessins pleine page d’illustrateurs proches du duo et qui montrent chacun leur vision de l’univers de « Rockabilly zombie superstar ». Parmi ces dessinateurs on retiendra Cha (plutôt habituée aux performances punk), BenGrrr, Astier, Yigael, Raf, Lorenzo ou Wilmaury.

On attendra la suite avec une impatience non dissimulée.

Rockabilly Zombie Superstar T1
Auteurs : Nikopek & Lou
Editeur : Ankama
Collection Label 619
96 pages
14,90 euros
Parution le 3 septembre 2009

Voir aussi :
Rockabilly Zombie Superstar T1 (Nikopek & Lou) – Ankama en avant-première

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