Justine et l’histoire d’O

« Justine » et « L’Histoire d’O », deux classiques de la littérature interdite revus par le grand maître de la bande dessinée érotique. Une rencontre éloquente qui montre une fois de plus que grâce à l’oeuvre de Guido Crepax et à son style inimitable, le genre est véritablement parvenu à l’âge adulte.

Les adaptations littéraires occupent une place de choix dans la vaste production de Guido Crepax, à la fois maître incontesté de la bande dessinée érotique et important rénovateur du médium. Avec la célèbre Justine du marquis de Sade, si souvent sujette à controverses, et le best-seller de Dominique Aury (alias Pauline Réage ) L’Histoire d’O, Crepax a pris pour modèles deux des oeuvres les plus scandaleuses et, chacune à sa manière, les plus percutantes de la littérature érotique. Avec Justine, parabole de l’innocence persécutée, et 0, histoire de l’esclave soumise, on pouvait s’attendre à quelque chose de radical, mais Crepax n’éprouve pas le besoin de montrer des situations extrêmes. Un détail d’un corps, une main, l’expression d’un visage suffisent à créer une tension érotique, de même qu’un adroit changement de perspective suffit à faire basculer l’atmosphère, permettant ainsi à Crepax de porter un regard neuf sur ses modèles littéraires et de prendre du recul. Même au milieu des pires excès physiques, l’érotisme demeure chez lui une affaire cérébrale. Par leur composition habilement maîtrisée, l’abondance des métaphores et la virtuosité du dessin, qui se manifeste notamment dans l’amour exacerbé du détail, voire dans l’exubérance des décors, les travaux de Crepax, c’est-à-dire les histoires qu’il traduit en images, occupent une place d’exception dans l’histoire de la bande dessinée érotique.