Vie de la main gauche (Ma)

Le 10 décembre 2010, Pilau (Pierre-Laurent Daures) glisse sur une plaque de verglas, refuse de lâcher son carton à dessin dans sa chute, et se casse la main droite. Sa bonne main, celle qui sait dessiner...

Le 11 décembre, il démarre un carnet dessiné de la main gauche, qu’il tiendra en continu pendant un an et demi (258 pages entre décembre 2010 et mars 2012).

Commencé par dépit, sur le ton de la dérision, ce carnet devient, au fil des pages, un lieu d’aventure pour le dessinateur. Dessiner de la main gauche est un exercice bien connu : le dessinateur ne peut plus recourir à ses trucs et ses astuces et doit réapprendre à voir et à tracer ; concentrer son attention sur la main maladroite, sur le trait qui apparaît, sur l’accident à venir, sur le rattrapage de l’écart ; mettre de côté toute préoccupation de style ; désintellectualiser le dessin et réduire son ambition à la simple lisibilité.

Stimulé par cette pratique périlleuse mais décomplexante, Pilau a ajouté d’autres prises de risques, des risques auxquels il ne se serait jamais confronté de la main droite : sauter l’étape du crayonné ou la réduire à sa plus simple expression, varier les techniques de dessin, construire une narration improvisée sans découpage préalable...

Ne pas maîtriser la trajectoire du feutre, et ne pas prévoir à l’avance ce qui va se passer sur la page conduisent à la même gymnastique mentale : concentration sur l’instant du dessin en train d’advenir, tout en tentant de deviner ce qui suivra ; et arrive le milieu de la page, où il devient urgent de savoir comment la finir, alors que la place commence à manquer et qu’il faut trouver un équilibre à l’ensemble. Une aventure renouvelée à chaque page du carnet.

En reprenant l’essentiel des pages du carnet de Pilau, Ma vie de la main gauche retrace cette aventure ; non pas une aventure en bande dessinée, mais bien une aventure de bande dessinée.