BuzzKill
Oneshot

BuzzKill Critique de Vivien Arzul

Parution: 28 août 2019
1 édition recensée
Le thème de l’utilisation de produits stupéfiants ou d’alcool en tant que catalyseur de facultés extraordinaires a déjà été abordé dans les comics mais quand Donny Cates se penche sur la question, cela devient plus qu’intéressant... Reuben est (...)

Les deux grands éditeurs d’outre-Atlantique se penchent sur le sujet avec Marvel Zombies ou le très récent Dceased chez DC comics, montrant les héros iconiques de la firme en proie à une terrible maladie. C’est avec ces éléments que Donny Cates et Mark Reznicek ont eu la bonne d’élaborer un super héros qui tient ses pouvoirs de substances illicites loin de l’image lisse des héros de la bande dessinée américaine.

L’histoire en deux mots :
Dans une église de quartier, des hommes et des femmes participent à un groupe de parole pour confier leur dépendance et leurs problèmes. Ruben est nouveau, il est au bout du rouleau et explique que la prise des substances font de lui un super héros avec tous les pouvoirs dont on peut rêver. Cette histoire est bien la réalité et maintenant qu’il est sevré et sans défense, ses anciens adversaires vont frapper. Ruben va-t-il choisir de rester sobre et mourir ou devenir un héros sans souvenir plongé dans un coma éthylique infini ?

Le scénario :
Bien que l’idée de retrouver des substances addictives en tant qu’activateur de super pouvoirs n’est pas nouvelle, Donny Cates l’aborde avec un regard profondément humain grâce à un personnage touchant. Avec ce tome, l’auteur ne fait pas l’apologie des drogues ou de l’alcool, bien que son personnage en ait besoin, il montre l’envers du décors d’une vie super-héroïque floue et sanglante. Il décrit surtout un héros aux antipodes des standards habituels, il ne représente pas un modèle, c’est un homme perdu avec des failles le rendant très proche du lecteur. Il se dégage de Ruben une fragilité le rendant de suite attachante, il y a en lui un côté grunge à la Kurt Cobain avec son comportement d’écorché vif. Le scénariste tranche avec le récit super-héroïque sur bien des points, notamment avec la volonté de son héros de fuir son rôle de surhumain et les tourments que cela lui apporte pour suivre un chemin vers une longue rédemption et retrouver son amour perdu.
Néanmoins, le scénariste utilise tous les codes et l’univers super-héroïque avec une équipe qui, à la manière d’une ligue de justice, surveille la terre depuis l’espace, des adversaires hauts en couleurs et des personnages faisant échos au plus grand héros de chez Marvel et DC Comics. Ce procédé permet aux lecteurs de se retrouver dans un univers familier tout en découvrant sous un œil nouveau les conséquences de la vie de héros. L’auteur n’oublie pas de parsemer son récit d’un certain humour noir comme lors de la découverte de ses facultés grâce à l’alcool. Mais la véritable bonne idée réside dans le choix du déclencheur de ses pouvoirs qui sont plus ancrés dans la réalité et de faire de ses fléaux une chance et une malédiction. Les sous intrigues présentes dans le tome humanisent grandement le récit avec des liens entre les différents personnages très bien exploités et accentuant la profondeur de Ruben ainsi que la richesse de l’univers.

Le dessin :
Le dessin de Geoff Shaw est en complète harmonie avec l’univers du tome, il a su mettre dans son trait toutes les émotions présentes dans le scénario. Le lecteur perçoit dès la première page l’ambiance pleine de désespoir de cette réunion d’alcooliques en bout de course. La plume du dessinateur oscille parfois avec un style graphique rappelant les les comics des années soixante-dix, illustrant les souvenirs du protagoniste. Mais ce qui marque indéniablement le lecteur, c’est la violence des batailles et des affrontements, avec la toute puissance des combattants et une débauche d’hémoglobine et d’os brisés. L’auteur a su rendre avec justesse la démesure et la violence de chacun avec de grandes cases détaillées et même de pleines pages particulièrement jouissives à découvrir. C’est le cas en début de tome avec Ruben, le regard dans le vide au milieu d’une ville dévastée.
Comme le scénariste, le dessinateur a su retranscrire parfaitement la perdition et la volonté de rédemption de Ruben à travers ses regards d’une sincérité trahissant ses émotions réalisé avec une grande justesse. Le découpage particulièrement dynamique permet de ressentir au plus après la fureur des combats et son exécution aléatoire permet de donner un rythme propre à l’album. Enfin, le dessinateur a su soigner la réalisation de tous les personnages.

BuzzKill est sans nul doute la lecture rafraîchissante venue du pays de l’Oncle Sam portée par un super héros profondément humain, montrant qu’un grand pouvoir peut vous isoler du monde. Un tome unique, violent certes, mais qui traite avec justesse en sous-texte de l’addiction, des amours perdues et de l’envie de chacun d’un nouveau départ avec une fin émouvante, propulsant Ruben au rang des héros inoubliables du neuvième art.

Par Vivien Arzul.
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