
Tsubaken 1 Critique de Vivien Arzul
Le monde du neuvième art est en constante évolution, que ce soit par ses méthodes de mise en page, ses techniques ou encore son format. Depuis quelques années, avec la démocratisation des smartphones, un nouveau genre de bande dessinée s’est fait doucement une place, le webtoon. Venu dans un premier temps de Corée, ce format a su séduire une jeune génération de créateurs qui ont su exposer leurs talents à travers nos contrées et séduire les éditeurs, comme Mathieu Mateus Freire qui a vu son œuvre passer du numérique au papier avec Tsubaken chez K Factory.
L’histoire en deux mots :
Dans un monde où la culture physique est un vestige de musée où les dernières pièces disponibles sont revendues à prix d’or par un gang local. Kenrick voit en Enloe High School sa dernière chance de ne pas se retrouver à la rue après s’être fait expulser de tous les autres établissements pour des bagarres. C’est pourtant sans vouloir faire de vagues que le jeune homme va croiser le chemin du gang, des petites frappes et d’une surprenante amitié.
Le scénario :
Le scénariste nous propose un récit qui regorge de très bonnes idées en sous-texte tout en partant d’amorces simples et perceptibles. Les pistes qu’il élabore offrent de vraies pistes de réflexion pour le lecteur, comme la place et la pérennité de la culture dans un monde qui se numérise de plus en plus.
Il aborde également de manière plus directe le harcèlement scolaire. Le scénariste ne se contente pas de décrire la violence, il aborde l’omerta et les conséquences de cette dernière de façon sincère, ce qui apporte beaucoup au récit.
Mathieu Freire ne se contente pas du sous-texte, il parvient au fil des pages à nous livrer un univers cohérent qui étend sa toile au-delà de Kenrick, comme avec ce mystérieux ninja noir.
Enfin, le scénariste a su apporter beaucoup de profondeur à son personnage, ce qui tisse un lien immédiat avec le lecteur au-delà du charisme qu’il dégage. Son passé, ses failles connues ou non et ses valeurs en font un personnage attachant qu’on aime découvrir au fil des pages.
Le dessin :
Mathieu Freire nous invite à découvrir son premier tome avec une couverture funky et impétueuse qui donne le ton sur la nature de l’album.
Bien qu’il ait dû adapter le style webtoon à celui du neuvième art traditionnel, son trait ne perd ni en fraîcheur ni en sincérité. En effet, ce qui frappe le lecteur au fil des pages, c’est l’authenticité qui transpire de chaque case. Le dessinateur possède une aisance naturelle pour nous faire vivre les scènes, que ce soit les bastons à travers des impacts et de mouvements très bien dépeints ou des scènes plus intimes avec des jeux de regards qui nous livrent le ressenti des personnages.
De plus, il y a quelque chose de très plaisant dans le style hybride du dessinateur flirtant avec les codes et les genres du manga et du comics, notamment sur les bagarres, leur donnant une dimension unique.
Mais ce qui frappe tout au long du tome, c’est la mise en couleur sublime, que ce soit les jeux de lumières sur des scènes de coucher de soleil pour décrire l’atmosphère de la ville ou montrer la colère de Kenrick, tout est juste et apporte énormément au tome.
Tsubaken est un premier tome qui porte en lui un énorme potentiel. Cette symbiose entre un scénario au sous-texte subtil et un dessin plus que maîtrisé en fait un tome à surveiller de près. Tout comme son auteur.