Lebensborn
Oneshot

Lebensborn Critique de Vivien Arzul

Parution: 17 janvier 2024
1 édition recensée
Un matin qu’elle se promène avec son fils, bébé, Isabelle Maroger se fait interpeller par une femme qui la complimente pour ce bel enfant blond aux yeux bleus et ajoute « ça devient rare comme race »... Un choc pour Isabelle, qui réalise qu’il (…)

Le roman graphique est devenu au fil des ans un genre important du neuvième art. Il est comme un lien intime entre les auteurs et les lecteurs et permet d’aborder tous les sujets, y compris les plus difficiles.

Isabelle Maroger a choisi avec son album de raconter son histoire, l’histoire de sa famille, et de faire le trait d’union entre son passé personnel et la grande histoire.

L’histoire en deux mots : En mai 2014, une jeune maman accompagnée de son petit bébé blondinet discute avec une dame dans les transports en commun. La discussion cordiale se termine par : "Vous devriez en faire un second, ça devient rare comme race." Ces mots vont bouleverser la jeune femme et l’inciter à vouloir raconter l’histoire de sa mère née en pouponnière nazie.

Le scénario : On se retrouve un peu désarçonné entre le début du récit et la couverture. En effet, aborder une tranche de vie, alors qu’on devine une bande dessinée traitant majoritairement d’un sujet historique, surprend un peu. Cependant, on se laisse très vite absorber par le récit pour suivre avec émotion cette histoire touchante.

L’auteure parvient admirablement à construire un récit captivant, entre retranscription douce du quotidien et explication historique. Les moments de vie sont un bonheur à découvrir et permettent à tous de se reconnaître avec des passages nostalgiques et drôles comme ceux du collège et ceux véritablement poignants en Norvège ou avec sa grand-mère. Les passages traitant des Lebensborn sont passionnants, explicatifs sans être fastidieux, cela donne même envie d’en savoir plus sur le sujet en fin de tome.

La narration a beau être douce, elle nous fait passer par toutes les émotions, la scénariste ayant trouvé la bonne chronologie pour raconter cette histoire. Enfin, c’est une lecture dont on ne sort pas intact tant le sujet est sensible en plus d’être personnel ; elle a su parler à tous en y mettant beaucoup d’elle avec cette belle et grande histoire.

Le dessin : Ce qui frappe le lecteur dans les premières pages, c’est la justesse avec laquelle elle parvient à nous faire ressentir le choc qui l’a motivée à raconter cette histoire, avec en premier temps la quiétude qui se dégage de son dessin lors des premières pages et la stupeur quand l’échange aimable avec la dame se transforme en cauchemar lorsqu’elle évoque la race. Chaque émotion et chaque ambiance est d’une précision remarquable, le lecteur perçoit la douceur de la ville ou bouleversements des retrouvailles comme s’il était auprès des protagonistes.

Le style graphique de l’auteure est taillé pour le roman graphique et on sent qu’elle s’est amusée à choisir une mise en page peu conventionnelle, mais qui retranscrit à merveille la sincérité du propos. Cette dernière permet de s’attarder sur la beauté ou la force d’un moment de vie et donne au lecteur des cases fortes qui restent en tête.

Enfin, bien que l’album soit introspectif, la dessinatrice a su également soigner les décors avec des doubles pages superbes qui sont une véritable invitation au voyage.

Lebensborn est un récit beau et sincère qui traite d’un aspect peu connu du nazisme et se veut un trait d’union entre la grande histoire et l’intime. L’auteure réussit ce numéro d’équilibriste avec brio et nous offre un album à la sincérité rare qui nous donne envie d’en savoir plus sur ce fait historique comme de la retrouver pour d’autres projets.

Par Vivien Arzul.