Confession
Oneshot

Confession Critique de Vivien Arzul

Parution: 18 septembre 2024
1 édition recensée
Asai et Ishikura, deux amis du club d’alpinisme de leur université, escaladent le Mont Obari lorsqu’ils sont victimes d’un accident. Pensant sa dernière heure venue, Ishikura décide de libérer sa conscience en révélant à son camarade un acte (…)

Kaiji Kawaguchi est sans nul doute un des mangakas qui a contribué au succès de ce média dans nos contrées. Sa vision plus adulte du scénario en fait un pilier du seinen et il a su apporter une autre dimension à la bande dessinée nippone. L’auteur a su tout aborder avec sérieux et rigueur, les intrigues politiques, le thriller ou encore l’évolution d’un pays suite à des catastrophes climatiques. Aujourd’hui, nous retrouvons l’auteur dans un registre un peu différent : un huis clos angoissant où le poids d’un secret peut tout faire basculer.

L’histoire en deux mots : Asai et Ishikura, deux alpinistes confirmés, s’attaquent une nouvelle fois au mont Owari. Malgré leurs connaissances du terrain, le blizzard finit par les perdre et les épuiser. Les conditions météo difficiles poussent Ishikura à la faute et il se blesse salement. Immobilisé, aux portes de la mort, l’homme avoue le meurtre qu’il a commis quelques années auparavant. Quelques minutes après s’être soulagé de ce terrible secret, le brouillard se lève avec le refuge en vue. Les voilà sauvés, mais comment vivre après une telle confession ?

Le scénario : Le récit repose sur un élément simple, une révélation fracassante, et de ce simple fait, le scénariste va parvenir à nous montrer une grande partie des facettes de l’homme avec le poids d’un tel secret. La narration glisse doucement de la stupeur aux regrets de la confession, puis vers un thriller haletant qui rend la narration addictive.
Ce huis clos angoissant nous fait passer par toutes les émotions : la surprise, la peur des éléments, la crainte du temps qui passe avec cette folie qui gagne l’une des protagonistes. La notion du temps est un facteur clé et l’auteur a fait de sa gestion un point central du récit ; il est le marqueur du basculement d’un personnage vers les pires idées et cette gestion parfaite rend la lecture fluide et presque trop rapide tant on veut connaître l’issue de cette confrontation. Le scénariste s’amuse avec les certitudes du lecteur en utilisant le mal des montagnes pour rééquilibrer les forces et faire du plus fort sur le papier une proie avec un compte à rebours dangereux pour sa survie. Sans rien dévoiler, le final est déstabilisant après tant de tension, le narrateur finit de jouer avec nos évidences et finit de nous livrer une intrigue sublime qu’on n’oublie pas et qu’on souhaite partager.

Le dessin : Le trait de Kaiji Kawaguchi est toujours un bonheur, à la fois adulte et sincère, il est un excellent ambassadeur pour la découverte du seinen auprès du lectorat franco-belge. Le dessinateur possède le grand talent de retranscrire sincèrement les émotions de ces personnages par leurs regards. Le lecteur perçoit distinctement la peur des derniers instants, le remords, l’effroi ou encore le basculement vers la folie et le plonge davantage dans ce huis clos haletant. Ce tome regorge de planches percutantes qui restent en tête, et bien que les décors soient peu nombreux, la nature est retranscrite fidèlement avec ces sentiments de petitesse et de danger constant face à des éléments qui nous angoissent lors des moments d’égarement des personnages. Mais là où le dessinateur excelle, c’est sans nul doute dans le travail des ombres et des cadrages qui donne toute l’intensité du huis clos, des scènes de traque ou de réflexion et qui apporte un plus indéniable à l’album.

Confession est un indispensable du seinen avec son scénario au point de départ évident, mais qui nous emporte dans un crescendo vers la folie de deux hommes que le poids du secret va transformer et bouleverser à jamais.

Par Vivien Arzul.