
Liens du sans (Les) - C’est quoi un père ? Critique de Vivien Arzul
Les réseaux sociaux ont permis à bon nombre de dessinateurs de se révéler au grand public, de grandir et de progresser au fil des publications. Ce véritable vivier de talent passe parfois des écrans au papier pour notre plus grand plaisir. C’est le cas de Samboyy, véritable star d’instagram. Elle revient avec un nouvel album qui est cette fois-ci une fiction, mais qui laisse dégager comme toujours beaucoup de finesse et de sensibilité.
L’histoire en deux mots : Un enfant perdu au milieu d’une foule anonyme est en pleine recherche avec une question obsédante : où est-il ? Cette errance et cette peur n’étaient qu’un mauvais rêve et Aly se réveille un peu en panique, mais heureuse de retrouver son compagnon, son fils et son quotidien rempli de leur amour. Une lettre va cependant bouleverser la jeune femme, elle est écrite par un père avec qui elle a toujours dû faire sans.
Le scénario : L’album part d’une amorce simple, pourtant l’autrice parvient autour d’une simple lettre à construire un récit riche et émouvant tout en montrant justement l’abstrait, la douleur invisible du manque d’un proche ou la peur de la confrontation et ce qu’elle évoque.
La scénariste évoque sans détour les tourments de cette absence, donnant à son personnage une fragilité dans laquelle chacun peut se reconnaître. Elle n’oublie rien et traite de la peur des retrouvailles, de son impact sur sa vie et de ses conséquences. Mais la grande force du scénario de cet album n’est pas le fil rouge de cette hypothèse, la beauté essentielle de ce tome réside dans l’amour qu’il dégage. Ce dernier est une véritable bulle de tendresse, que ce soit dans les relations amoureuses, mère-fils ou encore amicales. C’est un véritable bonheur de les voir s’aimer et se soutenir dans cette épreuve pour elle. Samboyy a su se rendre maîtresse dans la retranscription de l’intime avec des dialogues touchants qui font souvent échos et reste en tête. En fait, ce scénario est simple et complexe à la fois, tant il bouscule les émotions et nos convictions, tout comme la vie…
Le dessin : Le style graphique de Samboyy a quelque chose de très attachant : on se retrouve dès les premières cases frappé par la sincérité de son trait. Le cauchemar du début comme les scènes suivantes sont très bien retranscrits : on perçoit toute la détresse et la peur du personnage grâce à une mise en couleur et un découpage propres à cette ambiance qui accentue ce sentiment oppressant. Le reste du tome, plus clair et aéré, souligne le bonheur qui règne autour d’Aly. La dessinatrice parvient également avec son trait candide à retranscrire fidèlement les émotions dans les regards et les gestes de ses personnages, notamment avec une pleine page où l’amour rayonne littéralement entre Aly et son compagnon. L’autrice alterne des planches contemplatives et d’autres plus bavardes qui ont chacune beaucoup d’impact, rendant la lecture presque trop addictive. Enfin, elle s’est croquée à merveille dans le quotidien, donnant à des moments banals une beauté et une douceur qui nous parlent et donnant à l’album une saveur unique.
Les liens du sans confortent Samboyy comme une autrice à suivre ou à découvrir. Son talent et sa sincérité nous offrent un album tendre qui se dévore un peu trop vite, mais nous invite à découvrir ses autres albums qui explorent des registres différents.