
Baie des cochons (La) Critique de Vivien Arzul
Spirou est un héros emblématique du neuvième art. Entre ses aventures principales, ses déclinaisons en série dérivée et ses nombreux auteurs, le célèbre groom a su traverser les décennies avec brio. Afin de faire plaisir aux fans de la première heure, les éditions Dupuis ont lancé en 2020 une collection classique dans le but de retrouver le Spirou des débuts. Cette fois-ci c’est Elric, Michael Baril et Clément Lemoine qui relèvent le défi dans une aventure à Cuba avec le Che, Castro et l’ombre de Franquin.
L’histoire en deux mots :
Alors que Spirou et Fantasio sont à New York pour couvrir la présence de Fidel Castro, un malheureux quiproquo va envoyer le jeune homme dans les prisons cubaines. Aidé par son vieux compagnon Longplaying, Fantasio s’en va à Cuba avec une mystérieuse arme, afin de libérer son ami et aider le gouvernement américain.
Le scénario :
Les scénaristes ont eu à cœur à la fois d’ancrer nos héros dans la réalité avec le contexte de l’album, tout en gardant l’âme des histoires de Franquin et Jidéhem. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette combinaison marche plutôt bien, malgré quelques manques de rythme dans la narration. L’humour est bien dosé avec un Fantasio clownesque parfois au propre comme au figuré, des antagonistes caricaturés avec équilibre pour les montrer drôles, mais pas ridicules, notamment avec l’accent du Che qui donne quelques échanges savoureux avec Séccotine.
Les personnages sont bien écrits, les scénaristes ont bien saisi ce Fantasio, gaffeur, occasionnellement maladroit, mais courageux et fidèle en amitié. Les protagonistes inédits ne sont pas en reste avec l’extravagant chef de la résistance et son obsession pour les barbus.
Bien que le ton de l’album soit bon enfant, en choisissant d’inclure les deux célèbres personnages dans ce contexte de la baie des cochons, les deux hommes décrivent, entre les lignes, une situation géopolitique compliquée tout en évoquant la dangerosité d’un pays comme Cuba en ces temps troublés. Enfin, même si ce n’est pas une mauvaise idée, l’absence de Spirou durant une grande partie du tome perd un peu le lecteur et aurait pu s’appeler une aventure de Fantasio.
Le dessin :
Pour les amoureux de la bande dessinée franco-belge, le travail d’Elric est un bonheur tant il y a du Franquin dans son trait. Sans être une facilité ou du plagiat, il nous offre un superbe hommage à l’un des âges d’or de Spirou. Il est indéniable que dès la première planche, on se retrouve plongé dans une douce nostalgie graphique. Les références à l’histoire des deux héros sont nombreuses et montrent l’amour sincère de l’auteur envers ces derniers et à leurs mythologies. La mise en page classique est efficace et les passages avec le marsupilami sont un bonheur, le dessinateur ayant saisi parfaitement les mimiques, le gestuel et l’essence du personnage de Franquin.
Seul petit bémol, le personnage du che qui parfois dénote de l’univers Franquin avec des cases sur lesquelles il semble un peu à part graphiquement. La mise en couleur est en accord avec l’hommage graphique et accentue le savoureux voyage dans le temps que nous proposent les auteurs.
Cet album est un hommage sincère aux belles heures des personnages, le scénario articulé autour de Fantasio est une bonne idée et une prise de risque qui pourra diviser, mais qui a le mérite d’aborder les aventures de nos héros différemment. L’ambiance graphique est quant à elle un bonheur et on en prendrait bien pour un deuxième tome tellement il est plaisant de revoir ces personnages dessinés avec un amour sincère dans le style du grand Franquin.