
Demeure de passage (La) Critique
La magie et la sorcellerie sont une source inépuisable d’histoires, et il n’a pas fallu attendre le succès colossal d’Harry Potter pour voir de superbes récits dans tous les médias. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’Elisabeth Jammes n’a pas fait le tour de l’univers magique en bande dessinée. En effet, après l’école de Montperdu, l’auteure explore de nouveau l’apprentissage des arts mystiques avec une galerie de personnages truculents et attachants.
L’histoire en deux mots :
Fortuna est une jeune sorcière qui voit sa jeune vie rythmée par l’apprentissage de sa prédisposition magique, la divination. Elle partage son quotidien avec son mentor et les deux autres élèves, Belladonna et Mandragore. Mais la jeune fille n’est pas une sorcière en herbe comme les autres et le poids du prestige de sa famille va la conduire à faire un pacte dangereux... ou plutôt démoniaque.
Le scénario :
Elisabeth Jammes parvient avec une aisance peu commune à nous livrer une histoire inédite, captivante, douce et attachante avec des ingrédients pourtant bien connus. Qu’il est agréable de suivre l’évolution de Fortuna dans un monde magique qui la dépasse parfois et dont la pression familiale l’écrase presque allant à commettre le pire pour la satisfaire ! Sous couvert de ce personnage attachant, la scénariste aborde le thème fort de l’adolescence et permet un attachement quasi immédiat, car Fortuna, avec ses doutes et ses questions nous ressemble.
L’histoire n’est pas qu’une sorte de récit initiatique, l’auteure a su construire un univers cohérent et riche qu’elle s’amuse à développer pour le plus grand bonheur des lecteurs. Toutes les branches de la magie se voient détaillées au fil des pages avec en introduction des explications qui plonge de suite le lecteur dans le bain.
La grande force du récit est sans nul doute sa fluidité, on parcourt les pages comme une douce mélodie.
Tous les personnages présents sont fascinants et attachants, la scénariste est parvenue avec brio à donner un supplément d’âme à chacun tout en respectant un équilibre parfait. De plus, le lien presque familial qui lie les trois apprenties est superbement exploité, offrant de vrai moment de tendresse et d’entraide.
Le dessin :
Il est indéniable que sur cet album, la dessinatrice a franchi un cap, le trait semble plus fluide, comme si elle avait trouvé avec Fortuna une sorte de sérénité graphique. Elisabeth Jammes combine parfaitement son trait très ancré bande dessinée jeunesse et un autre style plus léger, très inspiré du manga, qui nous livre des cases exploitants très bien les sentiments des personnages en les exagérant. Ce style japonisant apporte un petit aspect chibi à certaines créatures, leur conférant un aspect mignon tout en respectant leur essence de créature fantastique.
Il y a une espèce de douce mélodie qui découle du dessin de l’auteure rendant la lecture immédiatement addictive, cette sensation est doublée par la superbe mise en couleur qui donne une impression de bulle hors du temps collant à l’atmosphère de l’album.
De plus les scènes magiques sont bien décrites et efficaces, le lecteur perçoit directement la puissance ou la dangerosité des charmes, grâce à des artifices graphiques détaillés.
Enfin, là où la dessinatrice à su mettre tout son talent et sa précision, c’est sans nul doute dans la retranscription du mal-être de Fortuna, montrant très bien ses moments de doute, voire de spleen et donnant à son trait, pour cette dernière, un peu plus de précision parfois.
Fortuna est une de ces bandes dessinées rares qui nous prend par la main dès les premières cases pour ne plus nous lâcher jusqu’à la dernière, et qui nous laisse triste et un peu déçu de pas avoir la suite.
Cet album est une très bonne surprise qui plaira à tous les publics tant les thèmes décrits sont universels en plus d’être bien traités, le tout porté par un dessin envoûtant qui ne laisse pas de marbre.