
À l’orée du monde Critique de Vivien Arzul
Les frontières du neuvième art ont toujours étés minces, même s’il est vrai que l’on associe le média au célèbre slogan de 7 à 77 ans. Ce nouvel album de la collection Mirage chez Delcourt a bien compris ce principe. Avec l’orée du monde, les auteurs ont réalisé un album qui peut parler autant aux enfants qu’aux adultes avec en sous texte des sujets forts et nécessaires.
L’histoire en deux mots :
James est un jeune adolescent perdu et blessé par les disputes incessantes de ses parents. Il rêve de fuir cela, il a entendu parler à l’école d’un groupe d’orphelins qui vivraient dans la forêt. Pour le jeune garçon, c’est décidé, il tente sa chance, il va trouver ces orphelins et se construire une vie loin des adultes.
Le scénario :
Cette histoire de fuite en avant débute par une très bonne idée : ce début d’album se passe dans le silence total, aucune bulle ne vient perturber le lecteur alors que le jeune James cherche les orphelins. Cela renforce le sentiment d’insécurité et de trouble qui habite le personnage et, par extension, le lecteur.
Une fois que le dialogue se noue, on découvre des personnage fascinants qui possèdent une aura magnétique.
Le sous-texte sur la critique de notre société de consommation et l’urgence écologique sont amenés avec virtuosité. Sans être moralisateur, le scénariste fait passer à travers ces enfants un message fort et nécessaire.
Tous les orphelins crèvent les planches avec leurs caractères bien trempés. Pourtant, ils ne sont qu’un tremplin pour voir naitre celui de James qui se révèle de case en case. Le scénariste nous enferme dans cette bulle utopiste, on se prend à rêver auprès d’eux dans cette petite vie d’enfant perdu
Ce tome est une petite merveille de rythme, avec une narration articulée autour de la gestion de ce tempo et donne à cet album une aura particulière avec ses nombreux rebondissement.
Le dessin :
De la couverture à la dernière case, c’est la poésie du trait de Kim Consigny qui nous touche et nous accompagne. Elle possède un talent indéniable pour retranscrire la quiétude et l’atmosphère de la nature. Elle est parvenue à rendre palpable cette forêt à la fois protectrice, mystérieuse et parfois dangereuse.
Elle a su capter parfaitement également l’essence de ses personnages, que ce soit la bienveillance de Ben ou le charisme gouverneur de Damon.
La mise en page fournie appuie ce tome à la fois bavard et contemplatif, et l’auteure parvient à chaque fois à rendre des planches bien équilibrées, avec des phylactères et des cases détaillées qui se complètent parfaitement.
La bonne idée du tome est parfois d’ajuster ses personnages avec leurs vision d’enfant comme lors des explorations ou des chasses et de les affubler de costumes d’explorateurs ou de chasseurs Enfin certaine cases sont de véritables instants suspendus, comme la découverte de l’aigle qui donne une envie de se balader et protéger cette belle nature.
A l’orée du monde est un album rare qui parlera à tous. Il a cette particularité de nous faire passer par toutes les émotions et il tisse un lien très étroit avec les personnages, surtout avec cette fin ouverte qui nous laisse avec un petit goût de reviens-y.