
Capitaine de quinze ans (Un) - Chapitre 1/2 Critique de Vivien Arzul
L’œuvre de Jules Vernes est intemporelle, on ne compte plus les adaptations de ses romans, tous médias confondus. Bien entendu le neuvième art ne déroge pas à la règle et connaît bon nombre d’albums inspirés de son héritage. Cette fois-ci, Frédéric Brrémaud, connu pour de très nombreuses séries s’approprie l’œuvre de Vernes avec Christophe Picaud pour nous permettre de découvrir ou redécouvrir Un capitaine de quinze ans.
L’histoire en de deux mots :
1873, le brick- goélette Le Pilgrim rentre presque bredouille de sa campagne de pêche et le capitaine arrive soucieux au port d’Auckland. Une fois à quai son armateur le rassure et lui donne pour mission de repartir rapidement avec à son bord sa famille. Mais le voyage va se montrer bien surprenant et propulser Dick Sand, un jeune mousse enthousiaste de quinze ans, à la tête du navire.
Le scénario :
Le scénariste est parvenu avec beaucoup de talent à prendre le meilleur de l’œuvre de 1878 pour en faire un scénario de bande dessinée en tous points captivant. Le récit est dense et soutenu, porté par des personnages charismatiques que le lecteur prend plaisir à connaître et voir évoluer.
L’intrigue n’est pas qu’une simple traversée en bateau, elle se densifie au fil des pages afin de donner à l’histoire une richesse inouïe, tous les éléments qui s’ajoutent sont véritablement intéressant et Frédéric Brrémaud n’est pas tombé dans le piège de la lourdeur en copiant collant le support original. Il a su en prendre le meilleur et rendre le récit ciselé pour le neuvième art.
Le tome est aussi une photographie fidèle de la fin du XIXème siècle et se trouve être une mine d’informations sur les conditions de vie de l’époque, leurs mœurs ou encore la situation géopolitique du monde. Les personnages très bien construits et ont tous une importance dans le récit. Et bien que Dick crève les planches par sa valeur, aucun des autres personnages n’est en reste, certains même captent un peu de cette aura comme le capitaine avec son rôle de mentor.
Petit bémol, le récit étant si prenant, la fin arrive un peu trop vite dans une situation où le lecteur reste pendu aux pages pour connaître le sort de ce fabuleux équipage.
Le dessin :
Christophe Picaud, connu notamment pour l’Assassin royal nous offre ici un graphisme très inscrit dans l’héritage de la ligne claire. La réalisation des personnages laisse penser à une sorte de style s’apparentant a celui de Jacobs, mais de manière contemporaine, ce qui donne lieu à une ambiance graphique tout à fait plaisante pour tous types de lectorat. Cette ambiance reflète la volonté d’adapter aux standards actuels une oeuvre de cent cinquante ans sans la dénaturer.
Que dire du formidable travail du dessinateur sur les navires d’époques ? Le lecteur sent la passion du dessinateur pour ces monuments maritimes, l’auteur ne lésinant pas sur les détails pour présenter fidèlement ces majestueux navires. Bien que le graphisme soit un peu rigide, Christophe Picaud multiplie intelligemment les cadrages pour donner du mouvement à ses cases, c’est le cas notamment en mer pour retranscrire le vertige présent en haut de la vigie ou le fracas de la tempête.
Le tome est extrêmement bien découpé et la mise en page est au service du récit, se voulant le relais visuel d’une histoire extrêmement riche. Pourtant les planches ne sont pas lourdes, tout s’imbrique merveilleusement tout en restant différentes les unes des autres.
Un capitaine de quinze ans est un classique adapté remarquablement par les deux auteurs, l’album est une formidable occasion de découvrir ou redécouvrir l’oeuvre d’un point de vue différent. Le graphisme dans la grande tradition de la ligne claire ravira les inconditionnels du neuvième art et pour ce qui se veut une excellente porte d’entrée au nouveau lecteur. La boucle est bouclée.