
9 août, tu me dévoreras (Le) 1 Critique de Vivien Arzul
Le manga peut se vanter d’être un média qui parle absolument de tous les sujets et genres sans filtre ni compromis, les nombreux sous genres en sont la preuve formelle. Tomoni a choisi d’aborder un phénomène de société récent, les stalkers, qui sont des gens qui suivent une personne constamment s’apparentant à du harcèlement moral. Le mangaka a choisi d’opter pour une approche fantastique, voire horrifique, de ce phénomène en le mêlant avec certains éléments du folklore japonais.
L’histoire en deux mots :
Ao Sakurai est un lycéen comme les autres, un seul point diffère avec ses camarades : ce ne sont pas des lycéennes qui veulent son amour mais des créatures de cauchemars. Sa seule solution : accepter l’aide et l’amour de l’une d’entre elles pour sauver sa vie. Mais cela suffira-t-il pour échapper à cette traque incessante ?
Le scénario :
L’histoire de cette série est un savant mélange de genre entre le drame lycéen et le récit horrifique, et ce grand écart scénaristique fonctionne très bien, le scénariste ayant lié aux yokais. Les créatures de la mythologie japonaise sont la pierre angulaire du récit car ce sont elles qui traquent sans répit le jeune homme. Cela permet au lecteur par cet intermédiaire de découvrir des créatures de légendes comme le okori ookami.
Et c’est là que le scénariste fait preuve d’une grande intelligence en imbriquant des éléments qui semblent ne pas aller ensemble et rend par ce biais le récit intriguant et intéressant
Ce phénomène récent des stalkers prend une dimension presque fantastique, car ce ne sont pas des jeunes filles normales qui souhaitent son amour mais des démons, ce qui crée une intrigue sous jacente sur la vie antérieure de ce jeune garçon.
La psychologie des personnages est très bien réalisée, que ce soit l’isolation forcée de l’adolescent, le comportement inquiet des autres adolescents ou le basculement vers la folie des stalkeuse une fois qu’elles sont en présence d’Ao.
La relation entre le jeune homme et son admiratrice est ambigüe et montre l’extrême complexité de leurs rapports, la jeune femme est à la fois une protectrice et un danger constant ce qui laisse le lecteur dubitatif sur son rôle final dans la série.
Le dessin :
L’ambiance graphique est véritablement réussie et retranscrit très bien l’atmosphère inquiétante et oppressante de la série. Le dessinateur a su conjuguer graphiquement l’aspect horrifique à la retranscription d’une vie lycéenne japonaise ordinaire. Les personnages sont à la fois dans la norme de ce genre de récit et débordent d’une aura particulière qui les rend particulièrement intéressants. La mention spéciale revient à la stalkeuse, que l’auteur a rendu particulièrement expressive tellement elle semble habitée par ses sentiments, son visage d’ange se déformant sous la colère ou l’excitation de s’imaginer en compagnie de l’élu de son cœur.
Les métamorphoses des jeunes femmes en créatures cauchemardesque sont remarquables, le dessinateur montre soit pas à pas la transformation ou réalise de grandes cases décrivant une femme mi-humaine mi-insecte effrayante et répugnante. Les affrontements entre ces créatures et la protectrices du jeune homme sont dynamiques, et nerveuses et l’auteur ne lésine pas sur l’hémoglobine pour montrer la fureur et l’issue funeste des combats.
Le 9 août tu me dévoreras est un seinen singulier qui sort véritablement des sentiers battus avec un potentiel scénaristique très intéressant. Il ravira autant les aficionados du manga que les lecteurs en quête de nouveautés. Meian prouve une nouvelle fois la qualité de sa ligne éditoriale et sa diversité pour mieux satisfaire le lectorat francophone de bande dessinée japonaise.