
Croke Park, dimanche sanglant à Dublin Critique de Vivien Arzul
L’histoire de l’Irlande est entachée de nombreux drames comme le dimanche sanglant du 30 janvier 1972, que le monde connaît grâce à l’immense tube de U2. Mais avant ce drame terrible, il y a eu un autre bloody Sunday avec pour théâtre Croke Park, un stade de foot où un simple match de football va tourner en massacre.
L’histoire en deux mots :
Novembre 1920, une unité de l’IRA décide de s’en prendre à des espions anglais chargés de les traquer. La réponse des soldats de sa Majesté est sans appel : capturer et faire payer aux indépendantistes leurs crimes. Pensant que les leurs cibles font partie du public d’un match de football local, l’armée ne fait preuve d’aucune pitié en entrant dans l’enceinte. Ce n’est qu’en 2007, après plusieurs décennies de défaite que résonneront les cris d’allégresse des supporters irlandais à l’occasion d’un match du tournoi des 6 nations contre l’Angleterre lourd de sens.
Le scénario :
L’intrigue de ce récit est un jeu de miroir entre notre époque contemporaine et les événements de 1920 et montre à quels points ceux-ci ont marqué durablement les Dublinois. Ce choix scénaristique, un peu déroutant parfois, permet de faire le lien et de montrer le poids de ce massacre. Les deux parties sont formidablement documentées, le scénariste a su s’approprier les faits pour les rendre tangibles et compréhensibles sans les dénaturer. Le lecteur se plonge facilement dans ce fait historique méconnu et en apprend beaucoup sur le climat social et politique de l’époque tout en découvrant le climat extrêmement tendu entre la couronne et l’Irlande.
Le récit a beau couvrir deux époques et présenter de nombreux personnages, il reste fluide et les transitions entre les deux périodes apportent toujours des éléments maintenant l’intérêt du liseur. Les personnages et les figures historiques croisés au fil des pages sont fidèles et extrêmement bien documentés et montrent l’immense travail de recherche du scénariste pour son tome.
Le dessin :
C’est un grand plaisir de retrouver Richard Guérineau tant son aisance au crayon à marqué le neuvième art depuis longtemps. De nouveau, il maîtrise son sujet grâce un trait léger et précis qui permet une immersion immédiate dans l’album.
Le dessinateur a su s’imprégner des ambiances des différentes époques pour livrer des planches authentiques et fidèles. Le dessin fait autant mouche sur les scènes d’action sportive, où l’on ressent chaque effort des joueurs, que lors des scènes de conspiration ou d’enquête. Le dessinateur parvient à nous faire ressentir toute la tension de ces échanges.
Enfin, les scènes de violences sont criantes de réalisme et impliquent intégralement le lecteur dans ce drame inouï. Les décors sont magnifiques, que ce soit l’architecture du 20e siècle ou l’effervescence des stades contemporains. De plus, la mise en page est véritablement au service du tome, il se dégage quelque chose de cinématographique dans les planches de filatures ou de mission. Les pages aux multiples cases montrent les actions plan par plan. Enfin, la mise en couleur retranscrit aussi très bien les ambiances des différentes époques avec des choix chromatiques cohérents, maîtrisés de belle manière par Richard Guérineau également.
Croke Park est un petit morceau d’histoire méconnu en bande dessinée que l’on prend plaisir à découvrir tant il montre l’impact de cet événement sur la vie des Irlandais. Les talents conjugués des deux auteurs donnent un tome maîtrisé que l’on prend plaisir à lire de bout en bout.