
Silence est d’ombre (Le) Critique de Vivien Arzul
La mort est un sujet qui fascine depuis la nuit des temps et pose depuis toujours bon nombre de questions à nous autres vivants. Bon nombre de bande dessinée ont su avec brio et sincérité aborder ce sujet délicat, que ce soit Christophe Chabouté avec son Purgatoire ou encore Davy Mourier avec sa Petite Mort. cette fois-ci, c’est au tour de Loïc Clément et Sanoe de nous proposer leur vision de l’après, de l’inconnu dans un conte doux et mélancolique.
L’histoire en deux mots :
Amun est un petit garçon solitaire et introverti qui vit une existence sans couleur dans un orphelinat, rythmée entre l’école et les tâches ménagères. Après un incendie, il va perdre la vie et découvrir que chaque disparu cohabite en tant que fantôme avec les vivants. Ce nouvel état va être pour lui l’occasion de découvrir un monde loin de celui qu’il connaissait et éprouver des émotions inconnues lors de son vivant.
Le scénario :
Loïc Clément nous offre ici une belle réflexion sur l’existence et la possibilité d’un après, l’album est destiné à la jeunesse, ilest donc abordable mais comporte assez d’éléments pour capter également le lectorat adulte. Le scénariste a su savamment doser la mélancolie avec ce petit garçon solitaire à la vie loin d’être facile qui va découvrir un monde tout à fait inédit à ses yeux.
Au dela de la réflexion sur la vie et la mort, l’album est une formidable histoire d’amitié qui montre à quel point ce sentiment nous transcende et nous améliore. Les deux jeunes garçons semblent en effet suspendus dans un rêve où tout est permis. leur relation est d’une beauté incroyable et le scénariste a su exprimer une poésie exacerbant leur complicité.
Néanmoins, Loïc clément n’en oublie pas de décrire des réalité plus difficiles de notre temps, telles que le sort tragique des réfugiés traversants les océans en quête d’un avenir meilleur, mais il s’illustre surtout sur l’évocation des petits bonheurs insignifiants qui frappent le lecteur tout au long de sa lecture : un anniversaire, un moment avec ses enfants ou encore la découverte d’un lieu inconnu rappellent au lecteur à quel point la vie est courte et précieuse.
Le dessin :
Sanoe réussit haut la main la mise en image de cette merveilleuse histoire. Il se dégage de son dessin comme une nostalgie bienveillante qui plonge immédiatement le lecteur dans l’album. Elle parvient à saisir parfaitement cette ambiance suspendue et son trait, à mi-chemin entre le manga et le franco-belge, sublime l’ambiance mélancolique avec des jeux de regards saisissants montrant la profondeur des personnages.
La dessinatrice a su donner à ses personnages une aura unique rendant leur complicité fraternelle plus forte.
Certaines cases frappent le lecteur par leur justesse, il se dégage une magie indescriptible de moments tout droit venus d’un rêve. La mise en page est remarquable, et ces planches aux grandes cases permettent de profiter pleinement du talent de la dessinatrice, tout en rendant la lecture fluide pour le jeune lectorat.
Le véritable point fort du tome réside dans sa mise en couleur, sublime de bout en bout. Le choix chromatique du noir et blanc pour les disparus montre toutes les couleurs de la vie que la dessinatrice magnifie. Les jeux de lumières sont aussi remarquables, Sanoe nous plonge autant dans l’intimité des vivants que dans les entrailles de la terre avec sa juste utilisation des couleurs les rendant tangibles.
Le silence est d’ombre s’ajoute à la liste des tomes de la collection des contes de cœurs perdus. Cet album, par son sujet, n’est certes pas facile mais il recèle une magie qui lui est propre en montrant la vie et la mort comme une aventure, une aventure qui réserve de belles surprises. Ce tome plein d’espoir regorge de qualités narratives et graphiques qui le place sans nul doute comme un album à découvrir et faire découvrir.