
Frère à louer 1 Critique de Vivien Arzul
La bande dessinée nippone possède de grand titre pour traiter de la complexité des rapports humains, avec Jirô Taniguchi en remarquable ambassadeur. Mais elle sait aussi aborder en les déviances et les travers. Frère à louer est le premier ouvrage d’Hako Ichiro, connu au pays du soleil levant pour ses romans illustrés ou son travail dans le milieu du jeu vidéo
L’histoire en deux mots :
Kanami se balade innocemment dans les allées d’un centre commercial avec son grand frère. Tout possède l’aspect d’une journée idéale entre frère et sœur, néanmoins ce fameux "grand frère" n’est pas le sien. Il s’agit d’un garçon qu’elle rémunère pour pallier l’absence et le désamour de son véritable frère. Cette relation tarifée est-elle vraiment vide de sens ? Et lui rendra-t-elle l’affection et la tendresse de son aîné ?
Le scénario :
Hako Ichiro aborde plusieurs thèmes en sous-intrigue et la location du jeune homme par Kanami n’est qu’un prétexte pour les évoquer. Le thème principal peut paraître choquant, mais en parlant de la tarification de liens aussi naturels que l’amour fraternel, il dépeint à merveille la difficulté à exprimer ou vivre ses sentiments pour une certaine catégorie de la population japonaise. De plus, il évoque avec justesse la détresse et la souffrance des personnes qui sont victimes du manque d’affection, prêtes à tout pour en obtenir, quitte à vivre par procuration une relation faussée. Pour cela, il fait allusion au poids du mensonge tout en décrivant la cruauté des enfants parfois lors de la scolarité.
Le scénariste traite sans concession du traumatisme de la mort et de son impact dans une vie en montrant la difficulté du deuil par le comportement du frère. En effet, en décrivant son isolement et sa violence, il dépeint certaines étapes importantes du deuil.
Ces thèmes malheureusement fédérateurs impliquent les lecteurs et lui donnent beaucoup d’empathie envers la protagoniste principale. Néanmoins, l’aspect financier devient presque accessoire au fil des pages et se révèle moins fort que les sous-intrigues.
Enfin, le scénariste a su retranscrire fidèlement la puissance de chaque émotion de ses personnages, surtout le lien fort qui unit la petite Kanami et son frère de substitution.
Le dessin :
L’ambiance graphique du tome fera penser pour le lecteur averti un peu au shojo avec ce trait très doux et pur. Le dessinateur a su capter toute la candeur et la tendresse de l’enfance avec le personnage de Kanami et a su également montrer la gentillesse sincère du frère de substitution.
La grande force graphique du tome réside dans cette juste retranscription des émotions qui plonge littéralement le lecteur dans ces relations humaines floues. Le tome reste contemplatif, avec un découpage laissant une place importante aux visages des personnages avec de grandes cases pour mieux juger leur ressenti.
Cependant, le dessinateur a su parsemer ses chapitres de cases chocs qui ne laisseront pas le lecteur indifférent et contribuent à le garder en haleine.
Frère à louer est un tome intelligent, grâce à un scénario d’une grande profondeur abordant des thèmes difficiles qui sauront faire échos à chaque lecteur.
Le tout est de savoir si le prétexte financier saura garder son intérêt et capter le lecteur lors de la suite de la série.