1933

1933 Critique de Vivien Arzul

Parution: 19 juin 2019
1 édition recensée
Qu’aurions-nous fait à partir de 1933 si nous avions été Allemands ? En suivant le parcours des habitants d’un petit immeuble situé dans une ville d’Allemagne, Chez Adolf raconte la montée du nazisme et ses dégâts irréversibles. Le 30 janvier (...)

La Seconde Guerre mondiale et le nazisme sont des thèmes abordés dans tous les courants du neuvième art avec notamment L’Histoire des 3 Adolf de Tezuka, La guerre d’Alan de Guibert ou encore le splendide Auschwitz de Croci. Cependant beaucoup de ces oeuvres se focalisent sur le leader Nazi, et peu racontent le ressenti d’une population qui a dû apprendre à vivre avec l’idéologie nazie. Avec Chez Adolf, Rodolphe et Marcos livre leur vision de l’arrivée d’Hitler au pouvoir, entre crainte et espoir.

L’histoire en deux mots :
1933, Adolf, un tenancier de brasserie, décide de renommer son établissement en l’honneur du nouveau chancelier, et en même temps flatter son ego. Clients du café et habitants de la rue vont alors découvrir le nazisme, facteur pour certains de reconquête et d’inquiétude pour d’autres. Ils vont malgré eux par leurs actes et leurs choix rentrer dans la grande Histoire. Le café "des joyeux amis" devenu "Chez Adolf’’ n’est-il pas annonciateur de la fin de tous sentiments d’amitiés dans cette Allemagne qui court vers la guerre ?

Le scénario :
Rodolphe choisit d’aborder l’arrivée des nazis au pouvoir par l’intermédiaire d’un regard peu fréquemment utilisé, celui des habitants, permettant au lecteur de tenter de comprendre le choix des gens de l’époque. L’auteur traite chaque strate de la population montrant qu’il y a des nazis convaincus, de l’intellectuel renommé comme l’ami universitaire du protagoniste principal à l’écolier en tenue militaire ressortant aveuglément les idées de Goebbels. Le scénariste aborde également la population attentiste, indécise face à ce nouvel ordre montrant que tous les Allemands de l’époque n’épousaient pas la cause nationale-socialiste. Il aborde enfin la minorité résistante avec les communistes et certains Juifs.
Ce portrait de la société est étayé justement par une retranscription de l’impact des nazis à cette époque, l’auteur aborde avec exactitude son importance chez les jeunes qui voient dans les jeunesses hitlériennes un moyen d’évasion et d’aventure.
Mais là où le scénariste excelle, c’est dans la description du glissement de la population vers la cause nazie, soit par peur, par effet de masse ou par réussite de la propagande. Il montre comment les gens ont accepté l’inacceptable les violences publiques ou les autodafés. De plus, l’auteur dépeint avec brio le climat de suspicion dans la société de l’époque.
Enfin, le choix d’un protagoniste principal cultivé et apolitique est une excellente idée. Iil permet d’en faire un témoin de l’histoire encore plus crédible.

Le dessin :
L’environnement graphique du tome avec son trait un peu rigide transpire la bande dessinée franco-belge traditionnelle. Le dessinateur frappe fort dans la retranscription émotionnelle de ces personnages. En effet, il parvient du premier regard à monter ce que dégage un personnage, que ce soit le fanatisme malsain de certains partisans ou la méfiance qui s’installe sur les visages des personnages au fil de l’album. Bien que le trait soit un peu sec, Ramon Marcos en profite pour offrir aux lecteurs de superbes cases détaillées faisant la part sur son travail de recherche sur les uniformes, les armes et les vêtements de l’époque. Le dynamisme moins prononcé est éclipsé par de superbes vignettes minutieuses montrant le grand talent du dessinateur comme l’incendie du Reichstag. En effet, il parvient en trois cases à retranscrire à la fois la violence de l’incident et la stupeur de la foule avec une mise en page intelligente montrant l’ampleur du drame. Ces vignettes sont sublimées par une mise en couleur remarquable montrant l’ampleur du feu perforant le dôme. Le travail de la couleur est fantastique, notamment sur les scènes de nuit avec des jeux d’ombres très réussis apportant beaucoup de tension à ces passages.
Enfin, bien que l’action ne prime pas dans ce tome, le dessinateur à su à merveille dépeindre la violence lors du tabassage de Juifs ou encore la panique des foules fuyant les violences

Chez Adolf 1933 est un tome qui lève un peu le voile sur le ressenti de la population allemande de l’entre-deux-guerres en montrant le glissement de la société, volontairement ou non, vers l’idéologie nazie. Un album bien écrit et appuyé par un dessin efficace et détaillé qui saura séduire les curieux comme les passionnés d’histoire.
Un préambule intéressant avant une suite qui fera rentrer nos protagonistes dans les les réalités de la guerre en 1939.

Par Vivien Arzul.
A lire également