
Isabel Critique de Vivien Arzul
Olivier Pont avait marqué le monde la bande dessinée avec son merveilleux Où le regard ne porte pas. Il revient en compagnie de Régis Loisel nous raconter l’histoire d’un putain de salopard.
L’histoire en deux mots :
Dans un aéroport perdu au fin fond du Brésil, Max a quitté la France pour retrouver la trace de son père avec lequel il a vécu dans cette région durant sa prime enfance. Ses deux seuls indices sont deux photos où il est avec sa mère et un homme différent sur chacune d’entre elles. Il va donc tenter de lever le voile sur ses origines et découvrir en parallèle un pays secret et dangereux.
Le scénario :
Un putain de salopard est une véritable réussite scénaristique tant l’intrigue se densifie au fil des pages, proposant au lecteur de nombreux axes de lecture. La trame principale est véritablement passionnante, le lecteur se trouve happé dans cette quête de parenté dans un pays lointain, un véritable jeu de piste identitaire. Le personnage de Max est formidablement bien écrit, le scénariste parvient parfaitement à montrer son caractère ingénu dans ce pays lointain.
Les autres acteurs du récit ne sont pas en reste, chacun d’entre eux dégage une aura unique et transpire la sincérité comme le celui Margarida qui aiguille Max dans sa recherche.
Régis Loisel évoque aussi des thèmes un peu tabous pour l’époque, comme l’homosexualité, mais il montre surtout le climat dangereux de cette région reculée du globe en abordant les mystérieuses disparitions et la violence présente en toile de fond.
Le rythme du récit alterne entre phases de recherche et passage plus cadencés, n’offrant ainsi aucun sentiment de monotonie.
Le dessin :
L’immense point fort de ce tome réside dans son univers graphique d’une maîtrise rare. Ces années sans album n’ont rien enlevé à l’immense talent d’Olivier Pont. Ce qui frappe dès le début du tome, c’est le dépaysement immédiat. Après avoir parcouru les premières cases, le lecteur est immergé dans une atmosphère d’un réalisme palpable. Le dessinateur est parvenu à merveille à retranscrire le sentiment de désorientation du personnage et son ignorance parfois loufoque dans cet environnement hostile.
Les planches offrent des cases aux nombreux points de vue, permettant de voir les lieux et les protagonistes sous tous les angles en donnant un aspect très cinématographique au tome. De plus, le choix d’une mise en page dense accentue cet aspect et permet au dessinateur de mettre tous les éléments graphiques utiles aux récits. Chaque planche est un modèle du genre, le lecteur prend plaisir à s’attarder sur ces dernières pour y découvrir les détails qu’elles renferment.
La réalisation des personnages est remarquable, avec un style hybride entre le réalisme et une exagération des traits, qui confère à l’album une ambiance unique tout en permettant de véhiculer à merveille les émotions des personnages.
Le tome peut se diviser en deux parties : les phases de recherche et les scènes d’action qui cassent l’aspect contemplatif de l’album pour lui donner beaucoup de nervosité. Olivier Pont a su également instaurer un jeu d’opposition entre la quiétude de la vie en ville et une représentation de la violence en dehors, très crue, montrant la dangerosité de la jungle et de ses habitants. Olivier Pont signe un retour réussi, tant sa maîtrise graphique explose à chaque case. De plus, la poésie qui se dégage de son dessin est une invitation à parcourir l’album d’une traite.
Un putain de salopard est un pari gagnant pour ce duo grandiose de la bande dessinée. Avec un scénario bien mené et posant de nouvelles interrogations aux lecteurs, Loisel fidélise le lecteur pour l’inviter à découvrir la suite. Cette invitation est sublimée par le trait d’Olivier Pont, toujours juste et impeccable. Un album indispensable qui se montre sans nul doute à la hauteur des prestigieux succès de ses prédécesseurs.