
Eté d’enfer (Un) Critique de Vivien Arzul
L’autobiographie et le roman graphique font décidément très bon ménage, beaucoup d’albums marquants proviennent de cette association. Véra Brosgol après avoir été récompensée d’un Eisner Awards pour son album Le fantôme d’Anya, revient avec un bout de son enfance. Un tome unique sur l’enfance, ses attentes, ses désillusions, ses découvertes et ses belles surprises.
L’histoire en deux mots :
Dans une banlieue pavillonnaire américaine, un groupe de petites filles fête joyeusement l’anniversaire de l’une des leurs. Véra, d’origine russe et de condition modeste, vit pleinement ce moment de rêve. Ses amies évoquent leurs prochaines colonies de vacances faites de tennis et d’activités que la mère de Véra ne peut lui permettre de découvrir. Un dimanche après l’office, la fillette apprend qu’un camp de vacances destiné aux enfants russes existe non loin de chez elle. C’est décidé, elle va tout faire pour que sa mère accepte de l’envoyer là-bas et vivre un été d’enfer.
Le scénario :
Vera Brosgol revient avec de justesse et de tendresse sur son passé et parvient à réaliser un tome authentique qui parle aux lecteurs en toutes circonstances, avec une bonne idée pour souligner cette idée d’authenticité, la véritable lettre envoyée à sa mère témoignant de son désarroi de l’époque.
C’est la retranscription sincère de ses souvenirs qui fait la véritable force de ce roman graphique, de son enfance modeste, en passant par sa difficulté à se faire des amis tout ce qui est raconté permet aux lecteurs soit de s’identifier soit de ressentir un grand sentiment d’empathie envers la fillette. La scénariste ne traite pas uniquement son cas, elle aborde habilement, grâce aux autres protagonistes, des thèmes comme l’amour adolescent et ses conséquences, la solitude pour les enfants qui ne sont pas dans la norme ou encore le sentiment de différence pour des enfants d’origine étrangère à leur pays de résidence. Elle parle également avec sincérité de la vie de parent célibataire, avec tous les sacrifices que cela comporte, comme une sorte d’hommage à sa propre mère.
Mais le récit se veut parfois plus léger avec la vie aux camps, ses découvertes et ses bêtises apportant un véritable bulle d’oxygène dans la lecture. Enfin, le récit est passionnant car on se prend d’affection très rapidement pour le personnage attachant de Véra, une protagoniste qu’on veut voir évoluer positivement malgré ses difficultés. Sa gentillesse presque maladive en fait quelqu’un d’unique et malgré tous charismatique donnant toute sa force à l’histoire.
Le dessin :
L’ambiance générale du tome reflète parfaitement le charme nostalgique de l’enfance. La dessinatrice a apporté un soin particulier dans la représentation des expressions de ses personnages, permettant un rendu des émotions justes et communicatives. En effet, on perçoit chaque état d’âme de la fillette, le visage de cette dernière les véhiculant parfaitement, notamment lors des passages de découverte du scoutisme. La dessinatrice a su retranscrire parfaitement à la fois l’ignorance et l’incompréhension pour cet univers, mettant ainsi son lectorat et son personnage sur un pied d’égalité. Bien que les décors ne sont pas nombreux, la représentation de la nature est fidèle et l’auteure à su en montrer toute la majesté lors de pleines pages superbes. Elle s’attarde aussi sur les animaux qui la peuplent, immergeant un peu plus le lecteur dans cette ambiance bucolique.
La réussite graphique de l’album est en partie due à sa mise en couleur reposant sur trois couleurs, avec une prédominance pour un vert rappelant la nature. Ce choix chromatique intelligent apporte énormément de profondeur en plus d’une atmosphère unique. De plus le travail fait sur les ombres est remarquable mettant en avant certains passages de nuits inquiétantes. Enfin la mise en page fourmille de détails à la fois cocasses et touchants.
Avec un été d’enfer, Véra Brosgol fait un nouveau pas dans la cour des grands noms de la bande dessinée. Avec ce tome poignant, elle aborde l’enfance et le sentiment de différence avec humour et une authenticité rare.
Elle parvient avec son histoire et son trait magnifique à parler à tous en montrant que la diversité est la plus grande force de chaque individu.