
Au commencement... Critique de Vivien Arzul
Le mélange des genres est une des très grandes forces du neuvième art car les créateurs n’y sont limités que par leur imagination. Les deux auteurs des Rescapés d’Éden débordent d’inspiration, tant le tome regorge d’éléments dans cette histoire à la croisée des styles. Bernard Swysen et Siteb réalisent un pari osé en offrant une lecture différente sur une possible origine du monde.
L’histoire en deux mots :
Dans une ville majestueuse perdue au cœur d’une forêt sauvage, Yab vit sa vie de lycéen solitaire entre les moqueries de ses camarades et les inquiétudes de ses parents. L’équilibre de la ville comme celui de l’adolescent vont être totalement bouleversés. L’un par un risque d’explosion du noyau sous la croûte terrestre. L’autre par la rencontre de Soléa, la plus jolie fille du lycée qui va l’entrainer hors de la ville.
Le scénario :
Bernard Swysen pose ici les bases d’un scénario qui soulève de nombreuses questions tout au fil du tome, apportant ainsi une teneur considérable à l’intrigue. Ce choix scénaristique intelligent ne noie pas le lecteur dans une multitude de sous-intrigues pour autant. En effet, l’auteur choisit de mettre certains éléments en toile de fond pour ne pas perdre en cohérence.
Le scénariste aborde des sujets très différents comme le comportement adolescent et ses difficultés en évoquant les tracas de Yab vis-à-vis d’autres lycéens, ou encore sa relation compliquée avec ses parents. De plus, son attitude timorée en fait un antihéros attachant.
Le scénariste réalise sans détour une critique de notre comportement environnemental avec pour fil rouge de l’histoire la surexploitation des ressources. L’album est surtout un tome d’exploration et de découverte, le lecteur et les héros font jeu égal dans ce monde inconnu. Enfin, l’humour présent tout au long du tome est distillé avec finesse donnant lieu à des passages savoureux.
Le dessin :
Pour son premier album, Siteb rend une très bonne copie. On perçoit à chaque page son plaisir et son implication dans la réalisation de ses planches. Son style graphique très intéressant, entre cartoon et réalisme donne un cachet incroyable aux protagonistes. En effet, il permet une grande expressivité à ces derniers tout en leur apportant une prestance charismatique. Le dessinateur a su parfaitement mettre en rapport le comportement des personnages et leurs représentations graphiques, comme le père de Yab qui porte sur lui sa virilité affirmée mais aussi son dépassement face à l’attitude de son fils.
Les décors sont parfaitement maîtrisés, notamment ceux en pleine nature qui plongent le lecteur dans un monde sauvage et vierge. Le sentiment de dépaysement est total avec des planches où le naturel est roi, laissant les personnages au second plan pour mieux se perdre avec eux.
Enfin, le dessinateur a su bien retranscrire ce sentiment de paradis sur terre en réalisant des cases où l’on perçoit la quiétude de l’endroit. Les passages hors de la cité sont sublimés par une mise une couleur travaillée, jouant parfaitement sur les jeux de lumière pour retranscrire l’atmosphère de la nature.
Les hommes des cavernes sont certes caricaturaux, mais fidèles à l’imaginaire collectif et permettent au dessinateur de laisser libre cours à son inventivité tout en collant avec l’humour du tome.
Avec les Rescapés d’Éden, Bernard Swysen et Siteb dépoussièrent le mythe de l’Éden en lui apportant un point de vue résolument moderne pour livrer une intrigue trépidante et une ambiance graphique léchée et maitrisée.
Un premier tome prometteur qui montre tout le potentiel des deux auteurs avec un rebondissement final stupéfiant qui appelle implacablement à lire la suite.