
Jours qui restent (Les) Critique de Vivien Arzul
La maladie quel que soit son nom est un sujet difficile à aborder tant l’expérience est personnelle et variable selon les gens et les pathologies. Néanmoins, parler de cette épreuve de la vie est un formidable témoignage pour mettre en lumière le quotidien pas toujours rose de ces hommes et femmes qui vivent ou combattent une maladie. Éric Dérian et Magalie Foutrier ont choisi d’aborder la thrombocytémie, une maladie rare du sang à travers trois portraits poignants, avec chacun leur vision de la maladie.
L’histoire en deux mots :
Un homme se rend d’un pas léger vers l’hôpital Saint Placide, il croise une jeune fille en pleurs assise par terre qui voit sa vie s’effondrer avec les résultats de ses analyses. Elle court, elle pleure, elle fuit vers un inconnu qui la terrorise...
Pendant ce temps-là une femme quitte ce même hôpital pour rejoindre la tombe de sa mère et commencer sa vie sans elle. Ces trois personnes ne se connaissent pas mais une maladie commune va bouleverser et entrecroise leur destin.
Le scénario
L’immense force de cet album est son scénario d’une profondeur renversante. En effet, le récit d’Éric Derian fait passer le lecteur par toutes les émotions et ne laisse pas indifférent une fois terminé. Le scénariste y aborde la maladie avec pudeur, elle n’est pas citée, pour laisser le lecteur tout comme l’héroïne dans le flou et montrer le cataclysme qu’elle provoque chez elle. Il nomme plus tard cette maladie, dans un moment fort de l’intrigue, en expliquant sans fard les symptômes et le chamboulement que cela provoque.
Chacun des portraits est troublant de sincérité et le scénariste est parvenu avec brio à donner autant d’importance aux trois personnages avec leur parcours de vie différents. Leur vie avec la maladie est racontée de belle manière en montrant leurs failles, leurs peurs et les bouleversements en tous genres que cela engendre. Charlotte en est le meilleur exemple.
D’autres thèmes autour de la maladie sont abordé avec une justesse rare, que ce soit l’absence d’un proche suite à son décès et la reconstruction qui s’ensuit, les histoires d’amour destructrices, l’envie d’être aimé pour ce qu’on est ou encore le dépassement à travers l’art.
Néanmoins, Éric Dérian n’a pas écrit un tome plaintif plongeant le lecteur dans un spleen absolu, son album déborde d’espoir en la vie et montre que de très bonnes choses arrivent malgré la maladie
Le dessin :
Magalie Foutrier a eu la lourde tâche de mettre en images un récit fort qui aurait pu rendre son trait anecdotique. Pourtant il n’en est rien, la dessinatrice montre son immense talent à chaque page. L’album déborde de case marquante qui ne laissent pas le lecteur insensible. La dessinatrice a su donner un supplément d’âme indéniable à ses personnages parvenant à retranscrire parfaitement leurs émotions multiples créant ainsi un lien unique avec le lecteur.
En effet, on perçoit toute la solitude de Daniel dans ses tribulations éthyliques et la détresse qui en résulte. La dessinatrice a su trouver de nombreuses astuces graphiques qui enrichissent le tome pour montrer le manque de l’être aimé, pour Catherine notamment.
Le style parfois caricatural de certains personnages secondaire ajoute un plus manifeste et permet de cerner immédiatement ces derniers. De plus, la dessinatrice a su montrer admirablement bien le sentiment d’anéantissement de Charlotte après l’annonce de sa maladie grâce à une mise en page et un découpage ingénieux.
Enfin, la couverture est une véritable invitation à la découverte de ce fabuleux album avec ces couleurs douces et pastels
Les jours qui restent sont un album touchant de bout en bout, porté par des personnages admirables qui nous ressemblent. Un tome qui parle avec justesse de la maladie en évoquant les sentiments et les comportements qu’elle engendre, mais qui n’oublie pas l’espoir. Une lecture indispensable pour tous les passionnés de belles histoires et pour le plaisir de découvrir le talent grandiose de Magalie Foutrier