In one's last moment
Oneshot

In one’s last moment Critique de Vivien Arzul

28 novembre 2018 - Tankobon broché 192 pages - Édité par Soleil

La mort est un sujet qui interpelle et qui fascine bon nombre d’auteurs à travers les arts. La bande dessinée nippone ne déroge pas à cet ensorcellement, avec des titres qui ont marqué des générations de lecteurs comme Death Note ou encore Ikegami - Préavis de mort qui livrent leur vision de la grande fin et la manière de l’appréhender. Pour sa première réalisation, Kentaro Fukuda livre aussi une histoire sur ce sujet absolu, où il croise les genres pour donner une intrigue dense, palpitante et parfois touchante.

L’histoire en deux mots :
Mamoru Kaname est un garçon énigmatique et solitaire qui découvre à l’âge de quatre ans qu’il peut voir la mort des gens avec qui il est en contact en touchant son père. La disparition violente de son père peu après le pousse à rester à l’écart durant son enfance et son adolescence jusqu’au jour où la jeune Kana entre dans sa vie. Alors que deux adolescents dansent, Mamoru entrevoit un funeste destin pour Kana. Dans l’incapacité de s’y résoudre, le jeune homme va lutter contre la mort elle-même pour celle qu’il aime.

Le scénario :
La grande force de ce tome unique est sans nul doute son scénario profond et riche qui offre de nombreux questionnements aux lecteurs. En effet, l’étrange don du personnage principal fait immédiatement écho au lecteur et l’incite à se demander ce qu’il ferait à la place du protagoniste. Kentaro Fukuda réussit le tour de force de créer une sorte de demi-dieu attachant à l’évolution compréhensible en abordant chaque étape de l’acceptation de ses visions à travers le temps. Tout d’abord enfant effrayé qui peine à comprendre ce qui se passe, il va s’isoler pour éviter de causer du tort, pour enfin s’opposer à la mort. L’auteur livre un comportement parmi tant d’autres, avec ce procédé il invite le lecteur à s’imaginer ses propres réactions face à cette situation avec l’aide de son vécu. Ce ressort scénaristique accentue l’immersion dans l’intrigue, le lecteur voulant découvrir si les choix moraux de Mamoru seront en adéquation avec les siens.
Le scénariste a eu aussi la bonne idée de créer une relation entre Mamoru et les morts qu’il a causées pour ainsi monter son sentiment de culpabilité qui ne l’abandonne jamais. Néanmoins, en montrant que le pouvoir du garçon n’empêche pas la mort, l’auteur apporte une tension et un danger palpable qui le rapprochent du lecteur.
Le scénariste contrebalance à merveille l’ambiance lugubre du tome avec une histoire d’amour entre les deux personnages qui magnifie l’intrigue. Cette relation profonde et sans restriction montre les sacrifices inimaginables que l’on peut faire par amour et apporte une dimension très humaine à l’histoire.
Enfin, le rebondissement final est poignant et donne à ce manga aux notes sombres une touche d’espoir plaisante permettant de fermer le tome avec un sourire mélancolique.

Le dessin :
Kentaro Fukuda réalise un tome superbe avec un style graphique doux qui évoque l’ambiance de certains Shojo. Il utilise d’ailleurs certains codes pour représenter l’histoire d’amour. Le dessinateur a su avec une grande justesse retranscrire l’empathie et les émotions dans le regard de son personnage Mamoru. Le dessinateur joue de contrastes graphiques tout au long du tome en adoptant un trait doux et en mettant en scène des scènes de morts violentes et effrayantes qui ne laissent pas le lecteur indifférent. Le climat horrifique du tome ne se limite pas à ces moments rares et soudains, l’auteur fait subir à son personnage des altérations physique profondes à chaque fois qu’il s’oppose à la mort. Ce procédé marquant donne un charisme manifeste au personnage montrant également son impuissance et sa fragilité vis-à-vis de cette dernière.
Le découpage dense et nerveux en majeure partie permet de contribuer à l’ambiance de danger de certains passages. Néanmoins d’autres planches plus aérées insistent sur un moment ou un sentiment apportant un répit aux lecteurs. Le seul petit bémol graphique repose dans la composition de certaines planches très contemplative composées essentiellement de visages. Néanmoins ces dernières ont un rôle essentiel dans l’aide à la narration et ne sont pas indigestes grâce au talent de l’auteur à retranscrire les émotions à travers les regards de ses protagonistes.
Enfin, la couverture, à la fois évocatrice et énigmatique, est une fabuleuse invitation à parcourir ce tome visuellement envoûtant.

Avec in The One last moment, Kentaro Fukuda signe un excellent manga qui montre son aisance dans la narration en n’hésitant pas à jouer avec les genres pour nous proposer une histoire adulte et profonde aux nombreux questionnements. Une histoire certes qui connaît des échos dans le monde de la bande dessinée, mais appréhendée par le regard neuf d’un auteur complet au talent graphique indéniable.

Par Vivien Arzul.
A lire également