Grange noire (La)

Grange noire (La) Critique de Vincent Lapalus

2 novembre 2018 - Album 176 pages - Édité par Urban Comics

Gideon Falls, comic à l’ambiance paranoïaque et au climat surnaturel est l’histoire d’un trentenaire dérangé vivant dans la ville éponyme, qui trouve réconfort et stabilité mentale dans la fouille des poubelles de la ville (il y cherche des échardes de bois et des vieux clous rouillés) avec le soutien de sa psy Annie Xu.
Fred, prêtre nouvel arrivant, prend la suite d’un confrère décédé dans cette petite bourgade du fin fond des États-Unis, où il ressent immédiatement un certain malaise vis-à-vis de la population locale.
Une grande distance sépare ces deux personnages, mais ils sont atteints de la même vision d’une grange maléfique. Sensitifs tous les deux, ils vont se retrouver embarqués dans un conte horrifique où la raison n’a plus sa place et s’adapter à un milieu qui dépasse les lois naturelles connues.
Pour cette incursion dans le domaine du fantastique/horrifique, un champ qu’il n’avait pas encore abordé, le scénariste Lemire réussi son coup. Nous naviguons dans une ambiance tordue et malsaine, ses personnages sont à la fois torturés et perdus, déphasés avec leur environnement. Dans cette histoire qui mélange sectarisme, religion et disparition, l’horreur est montrée de manière raffinée : pas d’effusion sanguinolente, il joue davantage sur ses suggestions. L’écriture de Jeff Lemire, ingénieuse et adroite comme d’habitude, fait preuve de sensibilité et d’habileté, avec toujours ce fil conducteur cher à l’auteur et très important : le relationnel entre les différents personnages intervenants au cours de l’album.
Il est servi en cela par Andrea Sorrentino, dont la patte artistique tire sur l’épuration graphique, et une certaine nervosité dans son trait, rehaussé par la rature pour les effets de style et une mise en page protéiforme dans l’agencement de cases. L’objet-livre sous le crayon de Sorrentino peut se manipuler à 360 degrés grâce sa virtuosité artistique. Dave Stewart, grand coloriste qui travaille avec les meilleurs, apporte une luminosité troublante, aidé par un rouge malfaisant.
Gideon Falls, est un projet personnel mené à bien par deux maestri du comic, et il est vrai que la comparaison à une touche “Lynchienne” vient de suite à l’esprit, comme signalé en quatrième de couverture. Un ouvrage à lire en coin de canapé, accompagner par Wytches de Scott Snyder et Jock, ou Rachel Rising de Terry Moore, des livres où l’horreur est à l’honneur.

Par Vincent Lapalus.
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