Voile Noir (Le)
Oneshot

Voile Noir (Le) Critique

Parution: 17 janvier 2018
1 édition recensée
Les aventures de Gina et Tante Alice en Syrakie ! Pauline a disparu ! Pire, elle est "partie en Syrakie pour rejoindre ces crétins du Grand Khalifat"... Gina, accompagnée de l’extravagante tante Alice, remonte la piste de la jeune convertie (...)

La bande dessinée permet d’aborder tous les propos en mélangeant les genres. Cette grande qualité lui permet, à l’instar du cinéma, de traiter tous les sujets même les plus épineux. Casterman a choisi en ce début d’année, de sortir un album à la croisée des chemins avec pour thème la radicalisation, à travers un tome aux traits humoristiques. C’est Cha qui s’occupe de la partie graphique pour illustrer le scénario audacieux et barré de Dodo, jonglant avec habileté entre humour et faits réels.

L’histoire en deux mots : Dans une ONG parisienne, alors que Gina s’occupe de son travail, elle reçoit un coup de téléphone de sa tante Alice. Cette dernière lui apprend que son amie Pauline, disparue un mois auparavant, est en Syrakie, partie rejoindre les rangs du Grand Khalifa. Son amie a beau confier sur une vidéo qu’elle ne manque de rien, Gina décide d’infiltrer les réseaux islamistes pour rejoindre Pauline et la sortir de ce piège à travers une mission de sauvetage rocambolesque.

Le dessin : Cha, la dessinatrice de cet album, a un parcours ô combien éclectique, surfant sur différents thèmes à travers sa bibliographie. Le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle est parvenue à utiliser son expérience pour ce tome. Son trait sait se montrer très humoristique par moment, notamment avec certaines mimiques très drôles de la tante Alice, mais aussi empreint d’une maturité et d’un réalisme saisissant rappelant la dureté du propos avec des cases montrant les charniers en Syrakie. La vraie réussite de Cha, consiste en cet équilibre fragile entre dessin sarcastique et retranscription d’une réalité sordide.
Cet environnement difficile, la dessinatrice l’a parfaitement couché sur le papier, le lecteur se voit immédiatement plongé dans les rues de Syrakie. En effet, les planches fourmillent de détails et montrent l’ambiance malsaine qui règne dans les rues, entre les enfants jouant avec des armes et les scènes de supplices par le fouet pour ceux qui n’ont pas respecté la Charia. Cette atmosphère est contrastée par une réalisation, très réussie, des personnages sur un trait humoristique qui permet ainsi aux lecteurs de souffler dans le récit.
Cha a pris soin d’apporter à chacun de ses personnages une grande dose de charisme. Cependant, le personnage qui porte le tome est incontestablement la tante Alice, jouissant de mimiques extrêmement drôles et d’une aura unique. Enfin, Cha a su réaliser une couverture fabuleuse renvoyant aux affiches des plus grands films d’aventures. Avec cette dernière, la dessinatrice montre en une illustration la tension et les dangers que vont devoir affronter les deux femmes pour sauver leur amie.

Le scénario : Dominique Nicoli, alias Dodo, est l’instigatrice de cette histoire pas comme les autres. En effet, Le Voile noir n’est pas un récit facile car il aborde un sujet tout frais dans l’imaginaire collectif. La scénariste choisit d’aborder ce thème difficile avec un trait subtil d’humour qui rend le sujet plus digeste pour le lecteur. Cette juste gestion de l’humour dans une intrigue épineuse est la vraie force de cet album. Les situations cocasses ne manquent pas et feront sourire le lecteur plus d’une fois. C’est le cas notamment lorsque la tante Alice infiltre les combattants syrakiens travestie en cuisinier et leur propose de préparer du porc pour le repas. Les situations drôles ne manquent pas et donnent à l’intrigue une saveur unique.
Pour autant, la scénariste a pris grand soin à retranscrire fidèlement l’affreuse réalité qui règne dans ce pays. Que ce soit à travers le sort réservé aux femmes dans ce pays aux idées moyenâgeuses (enfermement, mariage de force....) mais aussi l’ambiance de délation omniprésente qui participe au climat de terreur dans le pays. Cette ambiance d’effroi est accentuée par les brigades qui font régner la Charia islamiste dans les rues et punissent arbitrairement la population.
De plus, Dodo retranscrit à merveille le cheminement de ses jeunes gens perdus, plaquant tout pour rejoindre ce pays. Elle les décrit juste sans les juger en montrant avec brio l’incompréhension des proches et leur désarroi. La scénariste montre à travers chacun de ses personnages les différents profils psychologiques qui peuplent cette armée. Que ce soit le jeune de cité perdu ayant des envies de combat et de grandeur ou bien la jeune fille mal dans sa peau se raccrochant à ses precepts pour trouver un mari et construire sa vie. Chacun de ses personnages est traité là aussi avec une bonne dose d’humour jouant de nouveau sur le contraste. Enfin, Dodo a su donner, à son album, un rythme soutenu propre aux récits d’aventures.

Le Voile noir est un récit nécessaire, traitant d’un sujet délicat et réalisé avec beaucoup de justesse et d’humour. L’album est servi par un dessin collant à merveille à l’ambiance du récit. Un album qui saura plaire à tous les curieux du neuvième art désirant de s’adonner à une lecture hors des sentiers battus.

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