Montespan (Le)
Oneshot

Montespan (Le) Critique de Thomas Clément

Parution: 17 février 2010
1 édition recensée
Louis Henri de Montespan épouse le 18 janvier 1663 la somptueuse Françoise de Rochechouart. Quatre ans plus tard, elle devient la favorite de Louis XIV. Le Montespan fait alors repeindre son carrosse en noir et l’orne de ramures de cerf. La (…)

Furieux de se voir ravir son épouse bien-aimée par le roi Louis XIV, Louis-Henri de Pardaillan, Marquis de Montespan, commence par parader dans Paris avec son carrosse repeint en noir et affublé d’énormes ramures de cerf. N’appréciant que peu la plaisanterie, le monarque l’envoie faire la guerre afin de se débarrasser, si possible définitivement, de l’empêcheur de régner en rond. Las ! Revenu sain et sauf, mais sans titre de gloire (l’abandon du fort de Gigeri fut une débâcle monumentale), le cocu malgré lui n’aura de cesse de clamer, en vain, son désir de voir revenir sa femme, quitte à importuner royalement celui qui règne en despote absolu sur la France.

Fruit d’une longue recherche historique, Le Montespan est d’abord un roman écrit par Jean Teulé et publié en 2008 chez Juillard. Avec la truculence et l’esprit caustique qu’on lui connait, cet ancien auteur de bande dessinée (c’est d’ailleurs la Mention spéciale attribuée en raison de son apport exceptionnel à l’évolution du genre reçue à Angoulême en 1989, une distinction qui sonne comme un avis de décès, qui lui fit cesser pendant près de vingt ans toute activité en lien avec le Neuvième Art) a su dresser sur près de quatre cents pages un tableau réaliste de la société du XVIIe siècle. La noblesse n’y est d’ailleurs pas vraiment à son avantage, tant à cause de son manque d’hygiène (Louis XIV lui-même n’aurait pris qu’un seul bain dans toute sa vie) que dans inconscience pour le drame que vivent le petit peuple. Très moderne dans sa réaction contre l’autoritarisme (il ose s’élever contre la toute puissance royale un siècle avant la Révolution), respectant ses domestiques et réclamant pour seule gloire d’avoir simplement aimé sa femme.

Fallait-il confier l’adaptation de ce roman à Philippe Bertand ? Jusque là cantonné dans la bande dessinée friponne (Linda aime l’Art) ou frayant à l’occasion avec les mondains (Rester normal sur un scénario de Frederic Beidbeger), il faut avouer que l’arrivée du dessinateur sur une bd historique pouvait surprendre. Ce choix impulsé par l’éditrice Marya Smirnoff , aussi surprenant soit-il, se révèle finalement très judicieux : Philippe Bertrand et son graphisme au charme indéniable nous change de ces illustrateurs au réalisme exacerbé qui noient l’histoire sous la technique. Un album si réussi qu’il donne l’envie de (re)lire le roman original.

Par Thomas Clément.